Quelques jours se sont écoulés depuis la rencontre fortuite entre Daeron Targaryen et son neveu Jacaerys. Une rencontre qui aurait pu se solder par maints horions échangés. Étonnamment, la discussion s'est apaisée après quelques tensions, avec pour point final un baiser maladroitement initié par l'ainé de Rhaenyra. La discussion avait hanté le jeune chevalier. Surtout sa fin. Bien qu'il soit depuis longtemps conscient que ses inclinations le portent vers ses compères masculins, c'était bien la première fois que Daeron vivait un moment de ce genre. Les nuits suivantes avaient été aussi torturées que délicieuses... Toutefois, le prince est conscient que ce moment avait de la valeur au delà de l'embrasement des sens. Leur conversation avait mit en lumière certaines ressemblances. Des avis qui n'étaient point incompatibles. Peut-être même la possibilité de nouer un lien dénué de mépris et de violence. Qui sait, si eux deux le peuvent, alors peut-être qu'il y a de l'espoir pour leurs deux familles. L'espoir d'éviter une terrifiante et coûteuse guerre. Mais pour cela, il était nécessaire qu'ils se revoient. Le Targaryen avait donc décidé de faire parvenir une courte missive au brun sans la signer, espérant que Jacaerys comprendrait.

Assis sur un simple tonneau, dans une pièce isolée seulement éclairée par un chandelier, le prince Targaryen attend. Sa mise bien plus simple et beaucoup moins martiale que d'ordinaire. Il émane de lui une impression de douceur, amplifiée par la mélodie qu'il tire de sa petite harpe qui ne le quitte presque jamais. Un air léger, quelque peu répétitif, mais propice à inspirer un état de sérénité. Les Sept savent à quel point il en a besoin ! Ses pensées sont régulièrement parasitées par des questionnements délétère.

"Et si la lettre s'est perdue ? Ou peut-être qu'il ne voudra pas venir. Est-ce qu'il sera de bonne humeur ? Est-ce qu'il... se conduira comme la dernière fois ?"

Il espère, il attend. Inlassablement. Pendant que ces doigts tissent un chemin mélodieux pour guider Jacaerys jusqu'à lui.

Les nuits précédentes avaient été mouvementées, partagées entre des moments de plaisir parfois intenses et d'autres qui se trouvaient être davantage en proie en doute et aux angoisses. Ainsi, il n'avait pas particulièrement dormi ces derniers jours. Juste ce qu'il fallait pour tenir ses journées, et ne pas paraître suspect au sein du donjon rouge. Il bénéficiait déjà d'une réputation peu élégante, en tant que bâtard légitimé et ne souhaiterait pas rajouter des commérages à son encontre. Surtout que sa dernière altercation avec son oncle, ponctuée d'un alléchant échange de proximité, avait débuté avec une certaine violence, faisant partir les autres individus présents dans la pièce ; cela suffirait comme sujet de conversation. Puis, finalement, cela découlait peut-être de certains points communs. Ils avaient évoqué les conflits à venir, et un certain terrain d'entente s'en dégageait.

Un serviteur parvint jusqu'au prince, installé dans ses appartements. Il la déplia rapidement, et c'était une mystérieuse invitation qui se dévoila à lui. Une certaine impatience se profilait dans son esprit, alors, vêtu de ses plus beaux atours - qu'il épousseta quelques instants, il se mit en route, cherchant le chemin parmi le dédale que représentait la forteresse des Targaryen. Un doux son mélodieux parvint finalement aux oreilles du prince, qui se dirigeait vers la source du bruit.

La pièce était éloignée de toute agitation. Camouflée dans les recoins, elle serait le lieu idéal pour une discussion entre deux yeux.

Ou une agitation différente. Et si la violence s'emparait d'eux ? Il y avait une véritable haine entre leurs familles.

Alors qu'il ouvrait délicatement la porte, Jacaerys entendit les paroles de son oncle. « Mon humeur est grandement améliorée par le son mélodieux que j'ai entendu. » Il afficha un léger sourire, crispé malgré tout, car gêné de ce qu'il s'était passé entre eux. Il entra dans la pièce, et aussitôt, referma la porte, avant de coller son dos contre. Un soupire s'échappa de ses lèvres. Il fixait Daeron, ne savait pas comment se conduire avec lui. « Je suis tout à toi. » La voix de Jacaerys avait percé le silence, dans cette pièce peu éclairée, avant qu'il ne se rattrapa en constatant l'ampleur de ses paroles. « Je parle bien pour continuer notre conversation, bien-sûr. » Un peu d'amusement se trouvait dans sa voix.

Bien évidemment, Jacaerys arrive à l'instant précis où Daeron exprime des doutes et vulnérabilités dignes d'un adolescent amouraché. Les Sept ont décidément un sens de l'humour bien malicieux, teinté d'une subtile nuance de méchanceté enfantine. Adossé à la porte comme pour empêcher quiconque de sortir ou d'entrer, l'ainé de Rhaenyra est encore plus beau que la dernière fois. Il n'a probablement même pas conscience de ce fait.

"Tout à moi ?"

Quelles délicieuses pensées sont éveillées par ces simples mots.

"Oui bien-sûr. De toute évidence."Renchérit-il, les joues envahies par une charmante teinte de rose,

Seulement, voilà... comment se comprter et que dire maintenant que Jacaerys est devant lui ? Daeron a agi sur un coup de tête lorsqu'il a envoyé cette fameuse invitation. Impulsif comme il l'est souvent. Doit-il tenter de réellement reprendre leur conversation ou bien se contenter de céder à ses instincts plus primaires ?

"Comment te portes tu depuis la dernière fois ?"

Daeron se retient difficilement de lever les yeux au ciel lorsqu'il se rend compte de la platitude de sa question. Un prince Targaryen, lui ? Plutôt une paysanne un peu godiche qui perds ses moyens en voyant un jeune nobliau bien de sa personne marcher non loin d'elle. Il ne manquerait plus qu'il tombe en pamoison !

"Par les Sept, reprends-toi ! Tu es un chevalier. Un dragonnier. Un héritier du sang de l'Antique Valyria" Se morigène Daeron en son for intérieur.

Le Targaryen prend le temps de déposer soigneusement sa harpe non loin de lui, histoire de se donner une contenance. Et de clarifier ses pensées. Daeron se redresse puis se lève gauchement, essayant en vain d'adopter une attitude calme et sûre.

"Je suis content que tu ai décidé de venir."

Un bien bel euphémisme, heureux aurait été un mot beaucoup plus approprié.

Le jeu commençait.

Il ne manqua pas les rougeurs qui apparaissaient aux joues de son oncle. Les paroles, pouvant si facilement être interprétées de manière tendancieuse, faisaient désormais un effet tout différent d'autrefois. Leur histoire commune avait amené les membres de leurs deux familles à se battre, et ils n'avaient jamais fait exception à cela. Si l'intérêt et l'attirance étaient présents depuis fort longtemps dans l'esprit du prince, qui avait souvent lorgné vers son oncle et son physique fort agréable (il méritait cette réputation qui le disait comme un des plus bel homme de Westeros, assurément ; et en plus, il était de très bonne naissance... légitime), il avait du mettre de grosses barrières pour éviter de succomber. La distance avait été d'une grande aide dans tout cela, surtout que Daeron, fier chevalier qu'il était, avait été éduqué dans la prestigieuse cité de Villevieille - lieu de naissance de sa mère, elle qui avait épousé un prince alors même que son père n'était rien de moins qu'un énième fils. Alicent Hightower était une parvenue, une réputation qui pouvait aller fort bien à toute sa famille finalement - et surtout Aegon et Aemond. Il ne l'appréciait pas. Il se demandait même comment une telle mégère pouvait avoir enfanté des enfants aussi adorables et beaux, tels que Daeron et Helaena.

Il n'était pas réellement croyant, pas un fervent partisan de la foi des Sept, mais il se demandait bien comment la Mère avait pu bénir une telle union.

« Je dors mal. » La voix de Jacaerys avait tranché soudainement, phrase courte, presque sèche. Il ne savait pas trop quoi dire : la vérité ? « Je suis profondément perturbé par ce qu'il s'est passé. Et surtout, je pèse chaque jour les conséquences de mon acte. » De nombreuses conséquences, si cela venait à se voir. « De nos actes. » Il se rattrapa rapidement. Après tout, l'étreinte qui avait enchaîné le baiser était du ressort du prince, son oncle. Il fallait bien se partager la faute : la tension n'était pas que de l'un.

Après sa réponse, Jacaerys décida de s'avança un peu plus près, lâchant la porte - qui ne risquait de toute façon pas de tomber. À part si la folle Alicent venait à débouler dans cet endroit parce-qu'elle aurait appris la vérité, tel un dragon enragé, mais beaucoup moins élégante que ça.

« Je te retourne la question, cela dit. » Il s'intéressait vraiment à comment pouvait se porter le dragonnier bleu, bien que l'échange n'était pas particulièrement fluide entre-eux, car une gêne était présente.

Il afficha un franc sourire aux paroles de son oncle. « Je n'ai pas hésité une seconde. » La phrase était plus douce, si sincère qu'il plissa quelques secondes les lèvres et baissa les yeux vers le sol. Difficile de se sentir parfaitement à l'aise alors qu'ils devraient s'entretuer, selon toute convenance.

Le jeu commence ? Pas vraiment. Pour Daeron ne c'est pas un jeu. Il n'y a pas de complot, pas de manigances, pas de manipulations. Il laisse ceci aux adeptes du jeu des trônes, ces fous qui ne pensent qu'à garder leur pouvoir et à en obtenir plus. Peut-être qu'il manque singulièrement d'ambition, particulièrement pour un prince de la Maison du Dragon. Est-ce que ça le dérange ? Pas le moins du monde.

Le ton sec de Jacaerys surprend légèrement Daeron et lui fait plisser les yeux.

"Le sommeil... n'est pas plus facile à atteindre pour moi."

Le mélange d'images vivaces de fantasmes brûlants, de questionnements ainsi que la pointe de culpabilité sournoisement plantées dans son esprit sont plus que suffisants pour que l'insomnie puisse s'inviter sans vergogne.

"J'oscille entre culpabilité et moments bénis où je me dis que cela ne regarde que nous. En ce qui concerne les conséquences, il n'y en a aucune. Et il n'y en aura pas tant que tout ceci restera sous le sceau du secret."

Un secret que tout deux ont intérêt à préserver, bien que la réputation de Jacaerys soit déjà entachée par la faute de sa frivole mère. Daeron, à son corps défendant, ressent à cet instant de la compassion pour le Noir qui porte un fardeau qu'il ne mérite pas, pour une faute dont il n'est pas l'instigateur.

"J'en suis heureux" Répond-il, un sourire tout aussi franc étirant ses lèvres.

La toute nouvelle douceur de Jacaerys le ravit, et sa gêne le rassure. L'on se sent moins idiot lorsque ce sentiment est partagé. Selon les convenances, ils devraient effectivement s'entre déchirer. Daeron n'en a aucune envie, pas plus qu'il ne souhaite affronter d'autres membres de sa famille.

D'un mouvement de tête, il invite Jace à s'approcher. Non pas comme l'araignée à la mouche, mais comme un dragon à un autre. Sur un pied d'égalité.

Il était si difficile de trouver ses mots et de parler fluidement après la terrible erreur qu'il avait commis. Avait-il peur, en son for intérieur, que Daeron puisse révéler quoique ce soit à leur encontre ? Il était l'instigateur du geste premier, de ce baiser volé, dont il rêvait tant mais qui fut pour longtemps une pensée perdue dans son esprit. Jacaerys percevait cela comme un jeu, car il y avait de nombreuses valeurs qui entraient en compte. Si cette relation s'apprenait, non seulement la foi tomberait sur leurs factions respectives, et en prime, probablement tous leurs alliés. Cela jetterait l’opprobre sur leur famille, mais surtout, eux-mêmes. Daeron était le parfait parangon de vertu, un chevalier exemplaire au sens de l'honneur rigoureux. Jacaerys était quand à lui un bâtard légitimé, et cela ajouterait de l'huile sur le feu ; sa légitimité en prendrait d'autant plus un coup qu'il se trouvait être héritier des degrés de pierre. Alors, l'erreur n'était pas permise.

Lui aussi partageait donc des problèmes de sommeil. Ce n'était guère étonnant, cela perturbait au plus haut point. « Tu crois vraiment en ces paroles ? "Cela ne regarde que nous." » Il avait bêtement répété avec un air moqueur, mais profondément gentil. Ce n'était pas pour le vexer, loin de là son idée. « Nous sommes des princes des sept couronnes, notre vie concerne tout le monde, hormis nous, justement. On attend de nous des choses bien précises, nous devrons obéir aux ordres de nos seigneurs. Ton frère pour toi, et ma mère. » Il haussa les sourcils quelques secondes. « Si tu veux mon avis, deux personnalités bien compliquées. »

Il ne se sentait pas mal de prononcer ces paroles. Il aimait sa mère et ferait tout pour elle, assurément, mais... elle pouvait avoir un caractère bien spécial, parfois : elle était du genre à vouloir plus, toujours plus et généralement chaque fois, c'est quelque chose qui ne lui revenait pas aux premiers abords.

« J'ai du mal à l'assumer, mais moi aussi. Je suis heureux, car je te regarde depuis longtemps. » Le terme regarder avait été utilisé d'une voix délicate, faible presque, car gêné de le dire. Mais comment assumer l'attrait pour une personne, quand elle était en prime un ennemi ? Jacaerys s'avança alors plus près de lui, mais gardant une distance qu'il n'osait pas briser.

C'est bien pour toutes ces raisons qu'il ne s'agit pas d'un jeu aux yeux de Daeron. Pas même d'un jeu dangereux. Rien n'est amusant dans cette situation. Il n'y a pas de piquant, ou d'amour du risque, juste des questionnements. De l'angoisse. Des doutes quand à sa foi et à lui-même. Chacun sa vision des choses.

"Tout le monde ? Tu veux dire tout ces hypocrites qui forniquent dans des bordels dès qu'ils en ont l'occasion ? Engendrent des bâtards dont-ils ne s'occupent pas la plupart du temps ?"

Le mot bâtard est une nouvelle fois lâché, cette fois-ci non comme une insulte mais comme un reproche. Une critique envers ceux qui n'assument pas leurs responsabilités et leurs erreurs. Ce sont toujours des enfants qui payent les pots cassés. Des enfants tels que Jace, même si ce dernier a eu de la chance. Plus que bien d'autres bâtards.

"Mon frère... ta mère..."

Il souffle du nez.

"Des personnalités compliquées, dis-tu ? Je pense que tu peux ajouter qu'ils sont tout deux dévorés par l'ambition, par l'envie d'avoir une position sur laquelle ils n'ont aucun droit"

Il sourit. Un sourire bref, un peu las.

"Et pourtant, nous les soutenons. Car ils sont notre famille proche."

Le prince laisse échapper un petit soupire, avant de reprendre d'un air rêveur.

"Peux tu imaginer un instant quelle puissance serait la nôtre si nous n'étions pas divisés ? Qui donc pourrait rivaliser avec la puissance de toute la dynastie Targaryen, unie sous la bannière noire et rouge ?"

Rien en ce monde ne le pourrait, il en a l'intime conviction.

"Tu me regardes depuis longtemps ?"

C'est flatteur. Et anxiogène. Jusqu'où toute cette histoire va aller ? Daeron lève un bras, main tendue en direction de Jacaerys.

"Viens à mes côtés" Souffle le prince

Le terme de bâtard érafla l'orgueil du prince. Mais c'était la réalité, ce qui produisait chaque fois. Les seigneurs, dans les sept couronnes, qui se vantaient de pratiquer la foi des sept, mais qui couchaient avec tout ce qui possédait - au moins - un trou, au détriment de leur épouse. Culpucier, remplit de bordels, avait vu passer de nombreux bâtards. « Tu... as raison. » Il hésita à le prononcer à haute voix. Il savait qu'il était un bâtard et être légitimé ne changeait rien. Lui, au moins, avait eu de la chance. Il était bien né. Tous ne pouvaient en dire autant. « Mais nous ne devons pas oublier qu'ils observeront le moindre geste qui pourrait leur paraître suspect. La cour est constituée de vipères, peut-être même plus qu'à Dorne. » Un petit trait d'humour. Jacaerys n'appréciait pas particulièrement la capitale, et encore moins tous ces nobles qui gravitaient autour de la famille royale en espérant acquérir le plus de faveurs possibles.

« Sur laquelle ils n'ont aucun droit. » Il avait répété cela, avec une certaine lenteur, une articulation chronométrée, lente. « Et là est tout le problème. Nous soutenons notre famille proche pour cette seule raison, et nous serons envoyés au combat comme tous les autres. Je n'ose imaginer ce qu'il pourrait se passer si Tessarion ou Vermax se trouvaient face à un dragon comme Meleys. » Il prit quelques instants. « Cela me détruirait, s'il lui arrivait quelque chose. Plutôt mourir sur son dos, que de vivre seul. » Une terrible réalité. La nécessité d'une guerre pousser au combat et aux innombrables batailles. « Et si nous étions face à face, maintenant que... »

Il ne termina pas sa phrase, car sa voix se coupa brusquement. Attristé. « Notre puissance, ils ne s'en soucient pas. Et de toute façon, pourquoi faire ? La maison Targaryen siège depuis des décennies, tout en possédant des dragons. Mais les conflits, encore et toujours, continuent. Il faudrait une terrible menace pour qu'ils prennent conscience que notre développement peut se faire, ensemble. »

« Je ne me souviens pas de la première fois où j'ai posé les yeux sur toi de cette façon. Peut-être que j'étais un enfant, peut-être que c'est la puberté, les hormones, qui m'ont fait penser à toi différemment... Mais je pourrais te dire que j'ai l'impression que ta beauté m'a toujours attiré. » La sincérité la plus profonde sortait de sa bouche. Il n'inventait rien. Et quand il lui tendit la main, alors, là, il la prit. Presque aussitôt, à dire vrai.

Ce contact physique fut soudainement si plaisant. Une chaleur commença à l'envahir. Il s'approcha, et se mit à côté de Daeron, accolé comme lui au tonneau. Mais aucune distance ne séparait les deux hommes. Il était collé à lui. Au plus près. Jacaerys passa son bras autour de sa taille, et le tira fort pour être complètement collé à lui. Qu'il ne lui échappe pas. « Cette chaleur, ton odeur... » Ils faisaient à peu près la même taille, à quelques centimètres près. Le prince tourna sa tête de côté, et pendant quelques instants, ferma les yeux. « C'est tellement... » Il se sentait particulièrement détendu à ce moment. Une myriade de sensations se propageaient dans son corps. « Je sais que nous devrions être sérieux, discuter de ce que cela implique, mais je veux juste... me taire, et profiter de ta présence, de cette façon... » De sa main libre, il vint inciter Daeron à tourner la tête vers lui, puis vint poser son front contre le sien. Front, à front. Yeux fermés.

"Je me dois de préciser... je n'ai pas évoqué la bâtardise pour te blesser. La faute n'est pas... la faute reviens à ceux qui ont péché, pas à ceux qui subissent les contrecoups dudit péché."

Il acquiesce, approuvant sans réserve les dires du brun.

"Oui... la noblesse entière est un nid de vipères. De vils reptiles toujours à l'affût d'une possibilité de cracher leur venin. Mais nous... nous sommes des dragons. Je ne veux pas me considérer comme étant inférieur à tout ces sycophantes"

Le garçon encore si proche de l'adolescence frissonne en imaginant Tessarion faire face à la terrible Meleys. Sa dragonne a pour avantage l'agilité, la manœuvrabilité. Mais que pourrait la Reine Bleue contre la Reine Rouge, réputée tant pour sa célérité que pour sa puissance ? Seul Caraxès pourrait rivaliser. Et peut-être Vhagar, si elle n'est pas trop handicapée par sa taille.

"Je ne veux même pas m'imaginer privé de Tessarion..."

Privé d'elle, mais aussi privé du privilège et du bonheur d'être dragonnier.

"Si ça devait arriver... si je devais survivre à une telle bataille... J'irais tenter de me lier avec un autre dragon, quitte à en mourir. Je ne supporterais pas cette solitude, ni la sensation d'être coupé du ciel."

Il secoue la tête.

"Je ne me battrais pas contre ma famille.. Pas si j'ai la moindre possibilité d'éviter cela. Et quand bien même... je ne lutterais pas contre toi"

Il espère bien que Jacaerys partage cet avis.

"J'en viens presque à souhaiter que cette terrible menace devienne réalité. C'est d'une tristesse."

Lorsque la main de Jaecerys se glisse dans la sienne, Daeron resserre ses doigts par réflexe comme s'il craignait que le prince essaye de s'éloigner.

"Tu n'es qu'un vil flatteur" Murmure le chevalier en caressant le dos de la main de Jacaerys à l'aide de son pouce.

"Un beau parleur" Ajoute Daeron en insistant sur "beau".

Soudainement attiré contre Jace, le musicien n'oppose aucune résistance et se love contre lui.

"J'ai toujours trouvé que tu avais un... physique intéressant. Encore plus depuis que tu as cette cicatrice."

Sa main s'élève jusqu'au visage de Jacaerys. D'un doigt timide, léger comme l'Ether, il longe la marque qui orne la joue du prince, avant de délaisser la cicatrice du garçon pour longer sa mâchoire.

"Comment veux-tu que je me concentre sur une discussion sérieuse alors que tu es si proche ?"

Encore plus proche lorsqu'il accole son front contre le sien. Les paupières baissées, Daeron profite quelques instants de ce contact pour mieux le briser ensuite alors qu'il dépose un léger baiser sur les lèvres de Jacaerys.

« Tu n'as pas à te justifier de tes paroles. Le terme de bâtard résonne toujours en moi, c'est un sujet délicat, mais tu n'en es pas le responsable. » S'il devait préciser ses pensées, bien entendu qu'il était persuadé que les verts étaient probablement responsables du scandale qui avait éclaté et forcé la main à la reine écarlate, Rhaenys, pour prendre une mesure aussi drastique au sujet des trois enfants de Rhaenyra. Mais les responsables premiers, c'était bien ses parents, qui avaient eu la délicate idée d'entretenir une liaison en dehors du mariage. Cela avait été une grossière erreur, qui avait conduit à la naissance de trois merveilleux enfants aux origines plus que douteuses. « Ça se saurait si les membres de notre maison étaient inférieurs à qui que ce soit. Nos dragons nous élèvent au-dessus des mortels, ceci est un fait indéniable. Je ne méprise pas pour autant autrui, mais, parfois... il est bon de se rappeler les vérités qui nous concernent. » Même si, finalement, ils étaient tout autant fait de chaire et de sang. Et que chaque branche de la famille voulait ce foutu trône sur lesquels les rois aimaient se piquer et s’érafler : à quoi bon ?

Pour lui, les degrés de pierre étaient amplement suffisants. C'était une page vierge qui n'attendait qu'à être écrite. « Je comprends ton raisonnement, mais je crains qu'un second lien ne saurait être la même chose. Je regrette de voir toutes ces tensions apparaître. J'aimerais qu'il y ait une autre voie, où tout pourrait se régler... différemment. » Il aimerait, mais ne la voyait pas exister. C'était impossible à ses yeux. « Je refuse de me battre contre toi aussi. Au diable leurs revendications... » murmura-t-il sur la fin, voix peinée. « Aucune menace ne sera suffisante pour pousser les dragons à s'unir autour de la reine Laena, je le crains. Rhaenys était différente, plus... » Il ne trouvait pas le mot adéquat, et ne voulait pas dénigrer gratuitement la souveraine, quand bien même leur lien était ténu. Il secoua quelques instants la tête, avant de reprendre. « Tu parles d'éviter cela, mais je crains qu'il ne soit pas possible d'éviter que les ambitions soient annoncées et que tous réclament... tout, finalement. »

Il se laissait caresser, appréciant le moment. « J'aimerais n'être qu'un flatteur, un beau parleur, et que tout ceci ne soit que pour t'attirer dans mes filets. » Il prononça ces paroles avec un peu d'amusement dans la voix. « Malheureusement, si tel est le cas, on pourrait dire que je me suis fait avoir. Comme une bleusaille, car je suis tombé en plein dans la tanière du dragon. Et je n'ai pas réussi à en sortir, malgré tout ce temps. Quelle beauté, il faut dire, envoûtant et éclatant... » Il se laissait faire de bout en bout, ne bougeait pas, savourant chaque instant. Il sourit à la phrase de Daeron, avant qu'enfin, il ne pose ses lèvres sur les siennes.

C'était un délice, sans aucune forme de qualification possible. Et alors que leurs lèvres étaient collés, des sensations variées prenaient l'ensemble de l'être de Jacaerys. Cela allait à une chaleur intense, mais aussi à des battements de cœur plus que rapides. Il s'écarte quelques secondes. « Quel intérêt de discuter... » Et aussitôt après ces paroles, il reposa ses lèvres sur les siennes.

"Il est vrai... Mais je tiens à ce que tu saches qu'il n'y avait nulle arrière pensée malveillante. Et que je ne te méprise point pour ta naissance. Je ne m'en soucie guère et je tiens encore une fois à te dire combien je suis désolé de cette insulte lancée à ton encontre la dernière fois."

Ce qui est certain, c'est que Daeron n'a pas manigancé pour mettre Rhaenyra et ses enfants dans l'embarras. Le reste des Verts en revanche...

"Nos dragons nous élèvent au dessus des mortels, jusqu'à ce que le poids de notre propre arrogance nous ramène au sol pour mieux nous y clouer."

Et oui, malgré ce que dit la devise Targaryenne, ils n'y aucun feu en eux, seulement de la chair et du sang.

Jacaerys trouve les Degrés de Pierre suffisant. Il en est de même pour Daeron et Peyredragon, quoiqu'il délaisserait volontiers l'île si cela permettait d'apaiser les tensions. Seulement... abandonner Peyredragon ne serait pas simplement abandonner une île et une forteresse. De nombreux dragons sans cavalier s'y trouvent, dont Vermithor, la terrible Furie d'Airain. Une créature presque aussi puissante que Vhagar.

"Je le crains aussi, mais si le choix se résume entre ça et... redevenir banal..."

Il est certes un prince Targaryen, mais il est avant toute chose un dragonnier. Ce serait impensable de n'être plus qu'un prince parmi les autres.

"J'en rêve moi aussi..."

Un rêve qui restera sûrement lettre morte, à moins d'un miracle. Le musicien se console en se disant que Jacaerys partage son désir qu'aucun sang ne coule entre eux.

"Plus expérimentée, peut-être ?"

Et bien plus charismatique aussi, sans vouloir manquer de respect à Laena. En même temps, peu peuvent se targuer d'avoir eu autant de présence que Rhaenys Targaryen.

"Tu n'as pas l'air d'être très effrayé face à ce fameux dragon qui te retiens captif" Lâche le prince dans un gloussement

Daeron est à cet instant totalement lui-même, sans faux semblant. Affable. Un peu joueur. La situation l'aide à aller dans ce sens, et à oublier ses soucis au moins pour un temps.

« Ne t'excuses pas, s'il te plaît. Nous avons agi comme les ennemis que nous sommes. » Leurs factions étaient ancrés en eux, et ils devaient jouer le rôle attendu. Enfin, c'est ce que les convenances demandées ; l'appliquer, ensuite, c'était autre chose. « D'apparence, tout du moins. Même si nous agissions comme cela, nous ne sommes pas réellement ennemis. Encore moins nous. » Et cela ne faisait pas référence à l'écart qu'ils avaient eu, mais au fait qu'ils avaient suivi les choix familiaux. L'affirmation qu'il prononça sur les dragons était une réalité douloureuse. « Il ne tient qu'à nous de préserver ce que nous construisons avec eux. »

Jacaerys observait son oncle avec un regard doux, mais qui trahissait le désir profond qu'il ressentait à son encontre. « Disons que le sujet n'est pas encore sur la table, mais je crains que les temps ne deviennent de pire en pire. Alors, plutôt que de nous assombrir l'esprit et gâcher ces retrouvailles... Parlons-en plutôt le jour venu. Pour l'heure, Laena est notre souveraine, si peu charismatique qu'elle soit, et nous devons la respecter. Elle monte Vhagar, et ne nous mentons pas, cela est suffisant pour tenir en laisse nos familles.  »

« J'aime beaucoup trop le feu du dragon pour en être effrayé. Son attrait mystique, le goût du risque qui s'y accompagne, l'interdit... Oh, tant de belles choses prometteuses, comme toi. » Le prince se trouvait être particulièrement joueur, amusé de la situation. Il se laissait porter par le moment.

"Peut-être que si nous avions le courage de nous opposer de façon visible à tout ça... peut-être que les choses changeraient"

Ou peut-être qu'ils seraient simplement désavoués, et leurs avis ignorés. Qu'adviendrait il d'eux le cas échéant ?

"Encore moins nous, oui..."

Il est difficile d'imaginer deux ennemis se comporter ainsi l'un avec l'autre. Quoique maintenant qu'il y pense, le souvenir d'un chevalier du Bief lui revient un mémoire. Un individu fort aimable mais tout aussi paillard que tant d'autres, et qui disait volontiers "l'amour, c'est mieux quand y a d'la haine !". Un étrange dicton qui ne s'applique de toute façon pas à cette situation. Daernon n'a jamais ressenti de réelle haine pour le brun. De l'animosité, de la colère, oui. La haine est un sentiment d'un tout autre niveau.

"À nous et à nos familles." Dit-il d'un ton lourd de sens.

Il est fort probable que dans un avenir plus ou moins lointain, les nuages du ciel soient remplacés par des boules de feu alors qu'auront lieu des batailles entre Targaryen. Une idée qui terrifie tout simplement le chevalier, pourtant censé être brave.

"Tu as raison... ne gâchons pas ce moment avec de sombres pensées."

Daeron se mordille la lèvre, sans toutefois pouvoir réprimer un sourire.

"Fais attention de ne pas te brûler les ailes, dragonnet..."

Fort heureusement, les deux jeunes hommes sont dans une pièce et à un moment propices à ce genre de rencontre. Ils n'ont donc pas à se soucier de qui pourrait les déranger.

"J'espère bien..." Répond-il dans un murmure.

Lui non plus n'évoque pas de quelconque sentiment. L'attirance est présente de façon indéniable, d'un côté comme de l'autre. Mais il est trop tôt pour parler de romance entre ces deux personnes qui ont jusqu'ici seulement partagé des tensions nourries par leurs familles. Peut-être même que ce temps n'arrivera jamais ?

« Je sais que le courage peut entrer en ligne de compte, mais à mes yeux, c'est plutôt la crainte de perdre ma famille, et le lien qui unit. » Et cela omettait complètement Daemon de l'équation. « Je doute pouvoir changer les choses, et même si... en toute sincérité, je conçois qu'elle se soit sentie spolié de son droit sur Peyredragon, même Viserys voulait qu'elle soit son héritière. Mais les ambitions me semblent... si démesurées. Mais je crains que dans l'autre cas, on puisse les perdre quand même. » S'ils venaient à s'affronter les uns les autres, l'anéantissement serait total. La famille Targaryen, lors de la guerre contre la triarchie, avait déjà perdue deux dragons, une preuve que les créatures ailées étaient loin d'être toutes puissantes. Et ce conflit s'était fait contre des navires, armés certes, mais cela restait des coques de bois. Alors, dragons contre dragons, le massacre serait... inévitable.

Ils chassèrent vite les sujets de discussion, ces pensées intrusives sur un avenir qui peut-être, n'arriverait pas. C'était tout du moins ce que le brun espérait au plus profond de son cœur. « Je pense qu'elles sont déjà brûlées. » Et là, comme un casseur d'ambiance, une phrase s'échappa de sa bouche sans qu'il ne la maîtrise. « Elles ont probablement été brûlées avec le don des Degrés de Pierre à ma mère. Sans cela, je serai libre, de toute attache... » Oui, c'était un moyen d'éloigner la famille de Rhaenyra des enfants d'Alicent, et cela avait marché.

Finalement, cette entrevue était plutôt l'occasion pour eux de lâcher leurs hormones.

"Je comprends, c'est aussi quelque chose qui m'a traversé l'esprit. Être un prince déchu ce n'est point enviable."

Passer d'une vie aisée à une existence potentiellement misérable.. qui voudrait ça ?

"Je le conçois aussi mais c'est ce qui a été déclaré. Revenir dessus serait... difficile. Je me doute bien qu'elle doit trouver tout cela injuste, mais est-ce que cela vaux de risquer un affaiblissement durable de notre dynastie ?"

Il détourne le regard. Oui, les dragons sont loin d'être invincibles. Lui-même a bien failli perdre Tessarion lors de la guerre contre la Triarchie. Aemond, lui, n'a pas eu la chance d'éviter cette cruelle perte. Le plus triste est de se demander si ce deuil n'a pas encore empiré le caractère de son frère.

Bien qu'englué dans une situation explosive et l'esprit agréablement engourdi par le désir, Daeron se sent légèrement refroidi par certaines paroles de Jacaerys.

« Je ne peux qu'acquiescer. » Même en étant un bâtard légitimé, il n'en demeurait pas moins un prince des sept couronnes dont la vie de luxe n'avait été égale à nulle autre pareil, et en prime, l'enfant de la fille chérie de Viserys, celle qui obtenait tout, jusqu'à ce que la reine écarlate ne s'en mêle et bouleverse leur existence entière. « Je ne suis pas ma mère et ne peux répondre à sa place. Ce que je peux dire, c'est que je comprends parfaitement son ressenti. J'ai été déclaré bâtard, et cela n'aurait pas eu lieu sans scandale. Mais qu'importe. Je la soutiendrais, comme un fils doit soutenir sa mère, en espérant qu'elle prenne les décisions adéquates. » Il fallait éviter une querelle dynastique qui diviserait le royaume et provoquerait une crise pour leur dynastie. Jacaerys ne voulait pas que sa famille finissent comme la lignée Jardinier qui avait été anéantie par le souffle des dragons d'Aegon le Conquérant.

Le problème, finalement, était le désir de liberté dont il était épris. Il souhaitait vivre des aventures, et cela, n'était pas des guerres, mais plutôt des découvertes. Comme son prétendu grand-père - ou plutôt, l'homme qu'il avait considéré comme tel dans son enfance, il aurait aimé voguer sur les mers, suivit de son dragon.
Découvrir le monde et ses merveilles.
Mais cela lui était impossible. D'une part, car il était prince, et surtout, héritier de Rhaenyra Targaryen. D'autre part, car il ne possédait aucune compétence qui lui permettrait de faire cela. C'était plutôt réservé à des personnalités comme Lucerys, vaillantes et fortes, comme le mentionnait si souvent Daemon. Lui n'était peut-être que le bon à rien de la famille, qui n'excellait en rien. On le lui faisait suffisamment savoir.

Rhaenyra est la seule responsable de ce bouleversement dans leurs existences. C'est elle qui a fauté et qui a ensuite été confronté à ses actes. Elle est responsable de ses malheurs et de son embarras, ainsi que de ceux de ses enfants. Peu importe son degré de déni. Non pas que Daeron se réjouisse de leurs tourments, bien au contraire. Premièrement parce qu'il n'est pas de nature malveillante. Deuxièmement parce que tout aurait été plus simple si ses droits de succession ne lui avaient pas été retirés. La situation serait certainement moins compliquée, et l'avenir libéré d'une partie des nuages qui s'amoncellent à l'horizon.

"Et si ce n'est pas le cas ?"

Se dressera t-il contre les autres membres de sa famille ? Sera t-il celui qui leur offrira un cadeau empoisonné : le souffle d'un dragon ?

Le problème de Daeron est légèrement différent de celui de Jacaerys. Le fait est qu'il est dans une impasse, prit entre deux feux. Doit-il aider et servir Aegon malgré ses nombreux défauts et ses valeurs opposées aux siennes ? Ou bien doit-il le priver de son aide afin de pas alimenter un conflit intra familial ? Tout ce qu'il souhaite, au fond, c'est faire honneur à son serment, voler à dos de dragon et se perdre dans les mélodies célestes de sa harpe.