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    Chronicles of Fire and Steel est une uchronie basée sur les ouvrages de George R. R. Martin. Actuellement, nous sommes en An 132, lune 4, 1ère moitié de la lune et notre zone de jeu s'étend de Westeros à Essos. Le forum est interdit aux moins de 16 ans. Dans le staff, vous trouverez trois administrateurs : Aelix, Rhaenyra et Baela. Pour les accompagner, une équipe de choc avec deux modérateurs : Mysaria et Daemon; ainsi qu'une animatrice : Rhaenar. [Staff]
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    Gerold Dondarrion
    Gerold Dondarrion
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    À travers l'Orage, des éclairs. [Terminé] Tumblr-4ae8af11d2d6f2da76974f3a0d9c8a3d-b13622b7-500
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    À travers l'Orage, des éclairs
    Les murs d’Accalmie, gigantesque et incroyable forteresse se dessinaient face à moi. Le lieu était étouffant, imposant, l’on était autant écrasé par son apparence massive et brute que par le temps orageux qui faisait suer au moindre mouvement. L’arrivée dans le chef-lieu de l’Orage était toujours un moment spécial, ce château avait un aspect peu familial, presque repoussant par son aspect froid et brutal. Il me rendait parfaitement l’image que j’avais de la famille Baratheon, principalement de son seigneur actuel, lord Borros.

    Si le seigneur d’Accalmie avait grandi parmi les miens à Havrenoir, s’il avait appris à être qui il était aujourd’hui je ne pouvais dissocier cette demeure épaisse et lourde du tempérament de mon suzerain. La décision de s’arrêter le voir sur le chemin menant à Port-Réal tenait plus du mécanisme que de la décision propre. Je ne venais pas voir un ami pour chasser et boire du vin, je venais voir lord Borros Baratheon pour discuter de cette nouvelle position qui m'attendait à la capitale. Je réfléchissais à ce nouveau fardeau alors que ma troupe entrait dans la demeure des suzerains de l’Orage, machinalement, je descendais de cheval et je suivais la horde de domestiques, de serviteurs et gens qui me conduisaient là où j’étais censé être. J’étais porté par un flot humain, comme noyé dans des vagues vers une discussion à laquelle je réfléchissais encore. Je cherchais encore un sens à mon voyage, j’étais nommé Lord Commandant du Guet de Port-Réal, j’avais décidé de prendre la route avant d’avoir pensé au sens de cette surprise. Je questionnais encore tout de mon avenir incertain alors qu’une rencontre des plus importantes se profilait. J’aurais espéré, un bref instant, que le seigneur d’Accalmie fut un autre homme, le genre d’homme qui aurait pu me rassurer. Mais je savais que si l’un de nous deux devait rassurer l’autre ce serait lui. L’homme était changeant, colérique, dangereux en quelque sorte pour qui seraient assez stupide pour se jouer de lui.

    La nature m’avait fait beaucoup de tours mais au moins elle ne m’avait pas fait idiot et les années à suivre les traces de l’écuyer de ma famille m’avait permis d’acquérir un semblant de connaissance à son égard. Nous faisions notre entrée dans le hall vide et triste d’Accalmie, demeure sombre, peu éclairée et d’un gris morne. Lord Borros était sur son trône de pierre, l’ancien trône des rois Durrandon. Je connaissais son regard, son visage, et je craignais déjà que la raison de mon voyage éveille de tristes choses en lui. L’homme venait de perdre sa fille. Je crois me souvenir que même si j’avais souvent trouvé un air sinistre sur son visage, je n’avais néanmoins jamais remarqué ses yeux si froids, si perdus. Ils étaient à la foi fixe et perdus dans un horizon invisible aux hommes présents ici. Si c’était cela la peine de perdre un enfant pour cet homme, je plaignais d’avance quiconque serait découvert derrière cette machination. Le cerf était blessé et il allait, un jour ou l’autre, partir dans une furie dont lui seul avait le secret. Et garde à ceux qui se mettraient sur son chemin.

    La cohorte habituelle de serviteurs me présentaient, la bannière de la maison Dondarrion pendait lamentablement sur l’un des piquets que mes hommes portaient. “Lord Baratheon, c’est un grand plaisir de vous revoir ici.” S’en suivait de longues présentations officielles où nous ne nous disions rien. Enfin, avec la soirée qui arrivait, j’étais conduit dans mes appartements, et de là dans une grande pièce pour un banquet resplendissant, les gibiers sur les tables étaient magnifiques, des sangliers rôtis à la moutarde, des cerfs au miel et des faisan farcis. Accalmie s’était transformé en un garde mangé et j’étais honoré comme un roi, l’on me faisait asseoir aux côtés de lord Borros. Des saltimbanques venaient jouer quelques numéros, un cracheur de feu faisait rire l’assemblée et je regardais mon hôte qui ne riais pas.
    Lord Borros vous me faites un grand honneur avec cette fête. Mais je crois deviner que vous avez des choses à me dire autres que les bouffonneries de ses acteurs.” Un bouffon faisait justement son entrée, déguisé de couleurs vives, il faisait rire son public avec une sorte de flûte qui émettait tantôt des bruits aiguës tantôt des bruits graves.

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    Borros Baratheon
    Borros Baratheon
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    Coriolanus
    À
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    L'ORAGE,
    des ECLAIRS

    L'humeur du Baratheon infectait le festivités; Elle suintait jusque sur ces plats que l'on faisait suivre sur sa table et qu'il continuait de renvoyer aux cuisines. Là un faisan mal plumé. Ici, la viande sèche irritait sa gorge, et ce vin âcre qui n'appaisait rien! Le Lord relevait son regard déçu de son assiette pour le passer sur les hautes et minces fenêtres. Les ombres s'allongeaient sur les murs, tandis qu'un orage naissant précipitait la venue du soir au dehors, multipliant les cierges dans les bras des serviteurs qui les organisaient savamment tout au long de la surface lustrée de la table. Noire et polie comme les élytres d'un scarabé, la pierre reflétait le visage de l'homme qui se tenait à ses côtés. C'était une impression trouble, égale à celle qui s'était emparé de Borros en le voyant arriver, et qui avait persisté jusqu'à cette heure avancée du banquet. Dans le silence qu'il s'était contraint à garder, il avait observé le chevalier comme pour s'assurer de quelque sinistre idée, et détourné les occasions qu'il avait eu de se montrer courtois, chaleureux, ou même simplement heureux de recevoir son invité et ami.

    Le regard qu'il porta machinalement sur le Dondarrion lorsque ce dernier prit enfin la parole était suspicieux, lavé de la confiance qu'il lui vouait par la contrariété, et supporté par l'expression morne de son visage. Comme autrefois, le son de sa voix avait su arracher l'attention du Suzerain de sa contemplation morose. Comme autrefois, Borros observait sans ciller le maître d'arme qu'il avait longtemps tenté d'émuler, recherchant dans son expression un indice qui lui eut indiqué le fond de ses pensées. Il enviait la permanence de ses idées, cet esprit de résignation qui habitait ses traits, mais détestait le profil impénétrable qui siégeait à côté de lui.

    Aquiescant sans conviction, il soupira: "Un grand honneur..." Détournant les yeux, il porta un regard accusateur sur le musicien à la flute malade. Il se redressa sur son siège, complétant sa contrariété visible par une attitude raide et tendue, de celles qu'il adoptait toujours lorsqu'il se sentait aux abois. Car si le devoir guidait le Dondarrion, il subsistait chez Borros un sentiment difus, inconfortable, à l'équilibre entre jalousie et injustice.

    "N'êtes-vous pas trop vieux pour vous précipiter vers  un tel honneur, Lord Commandant?" Borros avait laissé trainer sa voix sourde sur ces derniers mots, appuyant l'insulte amère.

    A cet instant, le fait que l'orageois était dans l'incapacité de refuser un ordre de la Capitale importait peu au Suzerain. C'était un détail à l'évidence douloureuse, dans une bousculade d'évennements précipités que son esprit agité avait du mal à concevoir autrement que comme une violence. Quelque part, dans l'ordre complexe du continent, un étaut invisible se resserrait. Une direction se dessinait sans son consentement, lui qui souhaitait conserver l'immobilisme du deuil jusqu'à l'instant de justice. Le départ de Gerold pour le Guet avait tout transformé en urgence indicible.
    "Il n'y a pas si longtemps vous aviez l'étoffe d'un manteau Blanc, gronda le Baratheon,et vous voilà appelé à la tête d'un ramassis d'animaux impropres dressés à l'or, de soldats de pacotille, c'est pathétique! Simplement pathétique." La peine et les reproches lestaient ses paroles.

    "Vous allez perdre vos talents dans une capitale vacante..."Et il n'y a rien que je puisse faire pour vous en empécher, regrettait-il dans le secret de ses pensées qu'il lavait d'une nouvelle gorgée de vin sombre.

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    Gerold Dondarrion
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    À travers l'Orage, des éclairs
    Il y a de ces moments que tout homme préfère éviter le plus possible et cet instant en était un. Lord Borros était un homme particulier, bizarre, j’ignorais toujours quel bois pouvait le chauffer, de quelle humeur il allait être et chaque rencontre était un jeu de hasard déplaisant. J’avais craint ce moment dès que j’avais su qu’il me serait nécessaire de passer à Accalmie. La forteresse portait mal son nom, j’étais au plein milieu d’un orage violent dont seul le suzerain de l’Orage avait le secret. Je n’aimais pas être ici. Je regardais mon plat, tandis que le sourire qui s’était dessiné sur mon visage le long de cette soirée avait disparu dès les premiers mots de mon hôte, une moue difficilement déchiffrable barrait mon visage et même ma barbe n’aurait pas pu cacher cette expression étrange.
    Je regardais obstinément mon plat, mon verre de vin bien rempli et le canard aux châtaignes qui me faisait face. Je laissais mon regard dériver de mets en bouteilles le long de la grande table tandis que l’orage grondait dans les reproches burlesques de Lord Baratheon.
    Mes mains se serraient sur elles-mêmes et je restais interdit quelques instants, hésitant quant à l’attitude à adopter. Si seulement il avait été homme à se suffire d’un silence gêné, mon affaire eut été tellement plus simple… Mais la besogne qui me faisait face était la première pierre sur le chemin qu’était ma nouvelle fonction.

    Mon neveu, lord Dondarrion, lui aussi avait été bien contrarié de me perdre au profit de Port-Réal mais… Il n’était pas comme ça et il était encore jeune. Je cherchais quoi répondre, évitant de croiser le regard du seigneur des lieux quelques instants, je finissais par fixer mes yeux dans les siens. Je tentais de faire revivre un sourire sur mon visage abîmé par le temps et les guerres. Enfin, j’allais chercher la rédemption auprès d’un démon fou. “Lord, voyez-vous de l’honneur dans le poste de Lord Commandant de la Garde de Nuit ? La plupart des hommes y voient une terrible corvée, de mon côté j’y vois un honneur, celui de servir, de faire son devoir, de rendre les talents que les Sept m’ont accordé et de remplir une place respectable à laquelle on a besoin de moi. C’est de ce genre d’honneur dans lequel je trouve du réconfort. Le Roi, par son Régent m’a demandé et qui suis-je, mon seigneur, si ce n’est qu’un simple chevalier, vieillissant, d’une branche cadette d’une famille noble éloignée de tout ? Alors, pourrais-je bien refuser de servir le trône quand il a le plus besoin de moi ? Hélas, non.

    Je me servais un verre de vin et tandis qu’avec les mots je retrouvais un peu de mon assurance. J’avais conclu qu’avec un homme comme Borros, dans ma situation, la franchise restait l’option la plus sûre, peut-être viendrait-il à en apprendre quelque chose ? Je me souvenais encore du jeune écuyer chez nous, de ses hésitations, de ses colères si compréhensibles, de la pitié qu’il faisait naître en mon cœur. Il y avait de l’ogre en lui aujourd’hui et j’avais senti ça chez lui, comme l’on sent toujours de chez ceux qui souffrent durant leurs jeunesses qu’ils risquent à tout moment de vouloir se venger contre l’univers entier. Borros était de ses hommes qui prenait sa revanche contre tout, même son ombre, chaque jour que les Sept faisaient.
    Oh, lord Borros, je vous connais bien et j’imagine déjà votre réponse ; ser Gerold, vous n’êtes pas qu’un simple chevalier, vous êtes un homme de réputation ! Oui, c’est ce qu’il se dit… Je le sais et c’est sûrement la raison de ma nomination. Si vous demandez l’avis de l’homme que vous connaissez bien, oui, il eut été plus simple que je reste à Havrenoir. Mais… Un homme ne choisit pas son devoir.” Je n’ai jamais rien choisi, aurais-je voulu conclure. Je n’ai choisi ni mon rang, ni mes batailles, ni ma femme, ni mes services, rien. J’étais l’esclave de ma position et les honneurs que l’on me devaient étaient toujours là pour habiller et adoucir le labeur, la servitude et la loyauté que l’on demandait de moi. J’étais aussi libre que ses paysans sur nos terres, seulement moi, ma servitude exigeait des beaux vêtements, une éducation et quelques richesses.

    Oh j’aurais bien voulu avoir le loisir de refuser cette nomination. J’aurais bien voulu devenir un manteau blanc, plus jeune, comme il l’avait dit… J’aurais bien voulu épouser une fille du peuple que j’ai à peine connu. J’aurais voulu tout un tas de choses différentes et aucune ne m'avait mené jusqu’ici. Comment devrais-je expliquer à un personnage si capricieux que la loyauté et le devoir étaient les phares de ma vie et que je ne pouvais rien y faire ? J’avais été conçu en ce sens et la fidélité était quasiment dans ma nature. Bien sûr que si j’avais pu refuser et si j’avais pu préparer mon neveu à la prochaine perfidie dornienne… Oui, j’aurais préféré rester. Mais… je devais partir. Et je ne pouvais pas remettre cela en question.


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    Etait-ce un sourire, ce pli qui froissa un court instant le visage de son interlocuteur? Etait-ce vraiment un sourire, sur cette face aimable qu'il adressa, et par laquelle Borros imaginait bientôt recevoir la reconnaissance de son raisonnement hasardeux, ou encore -pourquoi pas?- des excuses. Mais sur les lèvres de Gerold, il ne trouva que des reproches. Une question polie les lui avait présenté, sitôt suivie d'un argumentaire affété qui avait valeur de sermont dans les oreilles sensibles et déçues du Suzerain. Il n'y avait bien que le souvenir du garçon qu'il avait été pour souffrir cette tentative d'explication qui le figeait dans un inexplicable état de frayeur et de colère, et qui le condamnait à l'immobilisme. De mauvaise grâce, il écouta l'exposé de son ami. A la prononciation des mots "Roi" et "Régent", il décrocha visiblement, détachant éhontément son regard noir pour le déposer sur une cible qu'il ne craignait pas d'offenser: une servante qui distribuait du vin infusé aux fruits et au miel parfumé.
    Ses yeux s'abaissèrent ensuite vers un clapotis similaire à celui que la jeune fille déversait dans les gorges des convives, mais qui allongeait cette fois le vin dans la coupe à peine entamée du Dondarrion. Là encore, Borros en ressentait une sorte de reproche diffus. Dans le désinterêt que le chevalier exerçait envers les fastes déployés devant lui, et en son nom, il y avait le refus de la mascarade, mais aussi la nature profonde de l'homme. Si le Lord avait conscience que son voisin de table n'avait jamais vraiment gouté ni banquet ni bal, il ne pouvait s'empécher d'en éprouver une tristesse certaine chaque fois que son vassal refusait de partager les festivités avec lui.

    Embuée par le vin qu'il avait ingéré, la suite de sa réponse eut l'étrange effet de lui rendre un vague sentiment de joie. Un sourire fin se déploya d'abord sur ses lèvres, puis, lorsque son regard se porta à nouveau sur son voisin, ce fut un rire charmé qui roula du plus profond de sa gorge. Qu'il ait si bien présumé de l'estime qu'il lui portait l'amusait, et le guérissait un peu de ses contrariétés sans nombre. "Vous êtes un idiot," souffla-t-il, ricannant malgré la déférence manifeste qu'il aurait préféré lui exprimer. Dans la bouche d'un autre, le commentaire du Dondarrion sur sa réputation aurait pu passer pour de la vanité; mais il était trop austère pour que même Borros n'ose l'en accuser."Vous n'allez pas au Mur, Dondarrion, mais dans le mur!" De cette plaisanterie, il tarissait maladroitement la soif de compréhension qui lui serrait la gorge. Car la théorie sur l'honneur que lui avait présenté le brun, Borros ne l'avait que trop recherchée au fond de lui-même, sans rien trouver d'autre que du cynisme et de la perplexité, lorsqu'il ne débusquait pas l'idée du ridicule le plus crasseux. Les années passant, la perspective d'en saisir un jour l'idée lui avait définitivement échappé.

    "A vous écouter, on vous croirait poète plutôt que chevalier; mais on me dit que c'est l'amertume et les destins avortés qui font les meilleurs de nos textes." Grogna-t-il en levant ironiquement sa coupe après l'avoir gouté du bout des lèvres.

    Ses doigts s'attardaient sur les reliefs d'argent, comptant les andouillers sur les ramures ciselées. Ses épaules s'effondrèrent dans un soupir las mais contrit. "Vous avez renoncé, voilà ce que j'entends malgré votre énergie à me consoler." Sincère, il regrettait de voir cet homme qui lui avait paru autrefois si formidable céder ainsi, désinvolte, à la fortune et que cela se fit, qui plus est, contre ce qu'il estimait être ses interets."Je vous écoute et j'entends une rombière qui se réconforte d'avoir dans son lit un boulanger et non le prince qu'elle se rêvait adolescente." Il soufflait, méprisant cette fois.

    "Et si je vous disais que je vous y envoie, moi, au Mur, y iriez-vous?"Une sale plaisanterie pour une oreille étrangère, mais une alarme pour qui connaissait le Lord et sa manie d'obstruction douce qui lui faisait considérer les options les plus facétieuses, les plus extrèmes. En prononçant ces mots, il se surprenait donc à y réfléchir attentivement. Et soudain, l'idée de subtiliser Gerold sous le nez de la Couronne lui plaisait. Elle lui plaisait vraiment. Tout concordait à sa morgue: On comprendrait qu'il exprimait ainsi sa contrariété, on se questionnerait évidemment sur ses motivations mais personne ne viendrait les lui reprocher -il était Suzerain, c'était en son pouvoir; Au diable les tribunaux! grondait-il en son fort intérieur. Ses sourcils s'étaient arqués, transformant sa boutade en proposition. En défi.

    Puis, sa main se déplaçait sur sa droite, saisissant et rapprochant l'assiette du Dondarrion de ce dernier, il insistait avec fermeté: "Mangez quelque chose avant que je ne me sente définitivement insulté."


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    À travers l'Orage, des éclairs
    Les occasions pour que je me fasse traiter d’idiot étaient rares, et ils étaient encore plus rare les hommes qui pouvaient le faire sans provoquer non de la colère mais un ressentiment extrême de ma part. Mes yeux se plantaient dans ceux de Borros et bien que j’évitais de le fusiller du regard, je ne pouvait retenir une expression d’étonnement, moi qui ne partageait quasiment jamais rien de mes impressions voilà que mon propre suzerain se délaisser au moindre commentaire comme une chose dégoulinante de sa propre personnage. Une chose qui ne pouvait pas garder un seul mauvais commentaire pour lui. Il suintait de lui-même partout sur cette tâble et moi, moi avec ma retenue, ma posture de statue rigide et froide je n’avais même pas l’air vivant en comparaison. Et si la première insulte aurait pu me figer dans un sentiment assez négatif, la réaction suivante devait m’apaiser un peu. Oui, certainement, j’allais dans un mur, cette proposition était à mi-chemin entre l’honneur déguisé et le piège. Je retenais un léger rire. “J’ai l’habitude de foncer droit dans des murs, lord.

    Mon frère avait toujours dit de moi que j’étais buté comme un âne. Même si je crois qu’il se décrivait plus lui-même à travers moi, il m’arrivait de vouloir certaines choses obstinément. La naissance de Quenn était de ses résultats, de moment de folie où j’avais foncé tel un boeuf, incapable de réfléchir. Mais malgrès ça, je ne pense pas que ma position au guet était une de ses bétises. Au contraire même, je pense que me plier aux ordres de la Couronne était raisonnable et je pense aussi que la décision de la Couronne n’était pas une folie.

    Mais je butais encore une fois, Borros qui parlait de destin avorté comme si j’avais échoué à suivre le cours de ma vie. Ne pouvait-il pas comprendre qu’un homme pouvait s’ouvrir, se faire à travers les devoirs et les interdits qui se trouvent sur le chemin de nos vies ? Il n’avait vu qu’une supplique criarde de ma part… J’allais essayé de corriger le tir. “Ce n’est pas ça. Mon destin n’est pas avorté, il est aujourd’hui et maintenant et les interdits en font partie comme les libertés. Je suis heureux de servir et d’accomplir ma tâche avec rigueur, même si je ne l’ai pas choisi. Je ne subis pas cette absence de liberté, de choix, au contraire je m’y épanouis.” Mon explication était brute et j’avais marqué chaque mot avec précision, ce n’était plus une discussion en l’air pour moi, j’avais dépassé le stade des courtoisies. Je voulais que Borros puisse comprendre que je n'étais pas larmoyant mais que les contraintes et les responsabilités qui se trouvaient sur ma route n’étaient pas des tortures, des pièges où des barreaux de prison. Bien sûr, je n’avais jamais été libre de quoi que ce soit, mais ce n’était pas une souffrance, oh évidemment on peut être mélancolique à cette idée. Seulement je n’étais en position de subir ma vie, je me réjouissait de mes dépassements et de mes réalisations. Quel plus beau sentiment que de s’être vu confier une tâche et de remplir non seulement avec brillot mais en dépassant toutes les attentes vous concernant ?

    Je devais me concentrer fermement pour ne pas éclater de colère en écoutant la somme des remarques du Baratheon. Que cherchait-il ? A me mettre en colère ? Je ne le pouvais évidemment pas mais allait-il surpasser la patience qu’un homme comme moi doit avoir à l’égard de son suzerain ? Après m’avoir comparé une femme de boulanger il posait des mots, comme un défis en demi teinte, où seuls ceux l’ayant suffisamment connu pouvaient déceler une menace. Je l’avais vu grandir et je n’étais pas tout à fait idiot pour ne pas voir la menace. S’il avait été un homme de raison, j’aurais pu lui répondre tout un tas de choses : Faites cela, lord, et voyez votre relation avec mon neveu passé d’un respect amical à la défiance d’un puissant vassal, faites cela et expliquez aux Selmy pourquoi leur alliance avec leurs voisins s’en va périr au Nord, faites cela et expliquez à vos vassaux qu’ils doivent vous faire confiance après un tel acte, faites cela et tenter ensuite d’expliquer à la Couronne que vous méritez du respect, de l’attention… Oh bien sûr, je le devinais, l’idée de se faire entendre, comme une adolescente boudeuse. Un enfant capricieux qui préfère briser un jouet plutôt que de devoir le partager. Si seulement j’avais pu me lever pour lui mettre ma main dans la gueule… A la place, obéissant que j’étais, je levais un sourcil, cachant difficilement mon mépris naissant pour ce comportement enfantin.

    Ah oui… Le Mur ! Moi je ne dirais pas grand chose mais je pense qu’ils fêteraient la nouvelle à Lancehélion.” Peut-être serait-il malin, à défaut de m'énerver, de lui rappeler que nous étions dans le même camp. Il tentait de faire redescendre la tension, peut-il avait-il eu le sentiment d’être allé trop loin ? Tant mieux, il restait donc quelques traces d’intelligence dans cette grosse tête hirsute. Là encore, j’obéissais, me servant l’une des châtaignes qui trainaient dans mon plat. Je levais la main. “Dites, ma petite, faites venir ce vin !” Une jeune domestique à la peau blanche comme l'albâtre venait me servir un vin bieffois tiède. “Tant que le vin n’est pas dornien, j’en veux bien un peu.” Je souriais enfin à Lord Borros. “Pendant que nous y sommes, y-a-t-il quelque message que vous souhaiteriez faire passer à Port-Réal ?” Où au Mur ?

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    des ECLAIRS
    Il y avait de la douceur dans l'expression narquoise dont il enveloppait le chevalier. Assis à ses côtés, il l'observait se défendre. Il ferma les yeux; sentant des larmes se presser contre ses paupières, il les enferma pour les faire taire. Lorsqu'il les rouvrit, il était impossible de distinguer sur le bleu de son regard la buée de l'émotion soudaine de celle que les nombreuses coupes avaient abandonné sur ses prunelles. "Je ne subis pas cette absence de liberté, de choix, au contraire je m’y épanouis", avait-il parlé, ce guerrier tant admiré, ce soldat de granit que rien n'émeuvait ni n'ébranlait jamais...Un homme pouvait-il feindre aussi longtemps sans mourir? s'épouvantait le Lord dans le secret de ses pensées. .Dans son coeur l'incrédulité et l'obstination se confondaient, mariées par le vin noir et le tempérament de l'homme. Voir ce compagnon de toujours renoncer lui causait un réel sentiment d'indignation. Pour tout dire, en cette heure tardive, embrumé par les mets, la liqueur et la compagnie, le Lord n'exigeait qu'une seule chose: qu'enfin, Gerold épousa sa révolte.
    Quel patience il a pour moi, remarquait-il, malgré tout, avec une impression désolée. Le sourcil quelque peu affligé que leva le Dondarrion acheva de le rembrunir. Borros s'immobilisait après avoir, pour la première fois de la soirée sans doute, laché sa coupe d'argent ciselé. Il venait de réaliser pleinement à quel point le séjour du Dondarrion entre ses murs n'était qu'un passage protocolaire; une étape symptomatique relevant du même sens du devoir dont le brun se réclamait chaque fois qu'il ouvrait sa bouche pour se justifier, lui expliquer, argumenter, l'infantiliser, presque. Combien de temps un homme peut-il feindre, se demandait à nouveau le Suzerain qui espérait encore que l'orageois reconnut enfin son droit à la colère. Il était contrarié, confus, si bien que la boutade par laquelle Gerold choisit de répondre glissa sur lui sans parvenir à le faire sourire.

    Qu'il tourna en dérision ses propos aurait pu le mettre en rage, s'il n'était pas tant engourdi d'excès, et si l'attitude de son voisin ne l'enfermait dans un état revêche et buté, de ceux qu'il adoptait enfant lorsque l'on tentait de lui enseigner quelque chose contre son grès.Il le regardait attentivement, suivant du regard le mouvement de sa main qui, se saisissant d'une chataigne, la fourra dans sa bouche. Il ne risque pas de s'étouffer avec ça! râla le Lord qui accusait encore le manque de plaisir flagrant que le fils d'Havrenoir prenait entre les murs de sa forteresse.

    Une nouvelle plaisanterie sur l'infecte Dorne. Borros hésitait entre son écoeurement d'être ainsi appaté par Gerold loin du sujet de ses fâcheries, et la réjouissance naturelle, organique, qui le poussait presque à rire par un réflexe mauvais.

    "Un message?" répéta-t-il, amusé par la proposition comme si elle relevait de l'absurde, mais aussi par le soudain sourire du futur Commandant, qui lui faisait du bien, même s'il lui trouvait l'air un peu faux.  Il s'était tu, et parut hésiter un instant, comme soupesant les conséquences possibles -non pour lui-même, il s'estimait intouchable- mais pour son interlocuteur."Mais à qui donc iriez-vous porter ma parole, Gerold? A qui vous adresserez-vous? A Munkun, cette charogne de la Citadelle, ou bien au bâtard qui siège sur le trône de mon petit-fils?" A ces mots, l'agitation de la fête s'était tout à coup mu en une attente visqueuse; les convives, accrochés par une oreille à la conversation du Lord et du Dondarrion avaient enfin saisi ce qu'il espéraient entendre depuis des semaines, et ils s'étaient rendu au silence. Car si le Suzerain avait fait grand spectacle de sa fureur, il ne lui avait pas encore désigné de cible jusqu'à ces quelques mots tombées de son vin d'un ton plat et sans relief. Les considérant comme s'il s'agissait d'étrangers, Borros les observa d'un oeil pâle et sans amitié. Appuyant ses mains sur la table de pierre, il se leva de son siège, avec mauvaise grâce et l'air morne. Borros était fatigué de ses âmes timides qui l'encombraient, de ces avis vagues comme celui d'un malade ne sachant dresser avec précision la liste de ses symptômes. Il entendait mettre un terme à la longue douleur qui lui prenait la poitrine et qui menaçait de le priver de réaction. Dans les murmures attentifs, le grand hall d'Accalmie redevenait le tombeau minéral qui troublait tant les hôtes qui séjournaient un jour entre ses murs millénaires.

    "Que ce soit dit: la Capitale gagne ce soir un homme de grande valeur," Proclama-t-il d'une voix étrangement claire. Il releva sa coupe vide, ne laissant pas le temps à la jeune servante de la remplir; il l'écarta d'un geste excessif de la main. Il se tourna ensuite vers le Dondarrion, lui jeta un regard noir."Peut-être le plus valeureux d'entre nous! Il part, et souhaite porter mon message à Port-Réal." Quelques rires étouffés répondirent, croyant lire de l'ironie dans ses mots aux relents hostiles. "Eh bien dites leur, Lord Commandant, que je refuse de croire au soit-disant privilège qu'ils prétendent me faire avaler de force; qu'ils vous gardent donc! Au meilleur soldat de l'Orage les plus basses besognes de la Couronne, qu'ils soient contents mais qu'ils  sachent qu'en vous honorant, ils m'insultent!" Relevant mieux sa coupe, il fut imité avec hésitation par certains convives qui sursautèrent lorsqu'il reposa brusquement la coupe, l'abattant presque sur la pierre de la table. Il inspira profondément, la fébrilité retombant le long de ses bras à chaque expiration. Il avait détaché son regard du Dondarrion pour mieux s'apaiser, et baissé la tête, les yeux fermés, sans expression, comme hagard d'avoir pu exprimer une fureur ancienne et qu'il reconnaîssait à peine. Puis il parla de nouveau, moins véhément, mais déterminé:"Pour le reste, dites à ces putains d'usurpateurs que vous n'êtes pas un gage de ma loyauté. Je ne peux pas vous empécher d'y aller, mais je vous interdis de vous présenter comme tel." Il rouvrit les yeux. Se redressant, il commanda d'un geste nonchalant de la main que les festivités reprirent leur cours. Cela n'arriva pas vraiment, et l'humeur joyeuse était désormais inquiète, mesurant à voix basse ce qui venait d'être dit. Le Suzerain considéra ses hôtes, assimilant non sans peine que la plupart semblaient .partager les réticences du Dondarrion.

    Il s'adressa à ce dernier:"N'y a-t-il que Dorne pour nous unir?" se désola-t-il avec un sourire triste, sardonique.
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    Gerold Dondarrion
    Gerold Dondarrion
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    À travers l'Orage, des éclairs
    Comment ne pas bouillir de rage ? D’abord, inconscient et fou qu’il était, il insultait Munkun, un homme dangereux qui avait probablement des oreilles sous son toit, ensuite il insultait le Roi. Je ne pouvais pas rester bêtement à le regarder sans rien dire, je ne pouvais pas cacher la colère dans mon regard, je voulais qu’il la voit, je voulais qu’il voit entièrement, totalement à travers mes yeux mon courroux. Je ne pouvais évidemment pas me lever pour le corriger, c’eut été apportées des risques pour ma famille, jeter l'opprobre sur leur nom. J’aurais tellement voulu me lever et le rosser, le rosser comme le sale capricieux demeuré qu’il était. Le rosser jusqu’au sang, jusqu’aux larmes, lui infliger une punition digne de ce qu’il méritait. Je ne l’avais jamais pourtant frappé enfant, mais je le regrettais vivement, je regrettais et je maudissais ma pitié qui m'avait rendu faible à son égard alors que nous aurions tous dû nous montrer plus fermes, plus durs. Le tenir, le mettre à sa place, lui apprendre à rentrer dans la case qui était fait pour lui, à s’y plaire dans cette case, à ne jamais en sortir, à fermer sa putain de gueule.

    Je le détestais à ce moment et je voulais tellement qu’il s’en rende compte. Mais je n’étais pas au bout de mes peines et mon regard noir allait être remplacé par une moue de colère, de dégout. J'apercevais ma fille, en bout de table, outrée mais figée de peur. Il n’était pas rassasié d’avoir insulté le trône, il fallait maintenant qu’il m’insulte moi, en me moquant, faisant rire sa petite cour de flatteurs et de lâches. L’idée que mon frère était mort dans les guerres de ce personnage vulgaire et idiot me révulsait. J’étais incapable de cacher ma furie et mon corps était tendu, mon visage tordue de colère et de haine.
    Oui, il n’y a plus que Dorne pour nous unir, ça et la fidélité que je vous dois, malgré vos insultes. Malgrés que vous vous butiez à vouloir m’insulter devant ce parterre de flagorneurs." D'un geste violent je désignais l'ensemble de la tablée. "Je vous dois fidélité et vous me devez le respect, vous ne remplissez pas votre part du contrat qui nous lie, soit, je le remplis quand même.” Je me levais brusquement, la bande de caudateurs d’Accalmie riaient de moi. “Riez donc ! Vous rirez encore lorsque ce sera encore le sang de ma famille qui coulera pour protéger vos derrières de lâches !” Ce que je ne pouvais dire à Baratheon, je pouvais l’exprimer à ses suiveurs, à ses amis. Un membre de la maison Wensington, petits nobles de l'Orage, soutenait mon regard avec un air narquois. Il était presque en face de moi, de l’autre côté de la table. “Je pourrais te désarmer en un seul mouvement, te vider et de tes tripes et tu me regardes comme si une main invisible pouvait te protéger Wensington ?” Les rires s’arrêtaient un instant.

    Je me tournais vers mon hôte. Il avait voulu avoir la colère de l’orageois en moi ? Très bien, il l’aurait, un Dondarrion n’allait pas se laisser insulter comme si de rien n’était, gratuitement. Sans lui laisser le temps de réagir à ma dispute avec le petit nobliaux, je le saluait, bien bas, abaissant ma tête. “Lord Baratheon, nous n’insulterons pas votre table plus que de raison. Nous partirons et vous laisserons en paix, puisque vous ne voulez pas de notre présence ici. Nous ne transmettrons rien au Roi, alors, puisque c’est votre décision.” Je me relevais pour cracher avec dédain les derniers mots. “Ce n’est plus le trône de votre petit-fils, il a été assassiné. Ces assassins en avaient contre les Targaryen et contre votre famille.” Peut-être allait comprendre quelque chose dans sa tête imbibé d’alcool ? Je n’avais plus aucun espoir qu’il puisse saisir qu’il était, par ce fait, propulsé dans le même camp que la famille royale. Victime du même complot, victime de la même attaque et des mêmes ennemis.


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    Let me have war, say I: it exceeds peace as far as day does night
    Coriolanus
    À
    Travers
    L'ORAGE,
    des ECLAIRS
    A la tablée qui les observait, effarée et inquiète, il offrait un visage narquois qui n'était pas tant adressé à ses convives qu'à l'homme qui se tenait à ses côtés et qui venait de se lever. Un demi-sourire mauvais barrait son visage, signature de ses entêtements sombres dont il était parfaitement impossible de l'extraire. Par ces derniers, il avait mené plus d'un auditoire à la rupture. Il n'y avait que le Dondarrion qui fut suffisament près de lui pour percevoir le tressaillement infime dans son regard, un trait tremblant de doute, et qui diluait un voile gris au fond de ses yeux bleus.

    "Pas sur ce ton,"avait averti le Suzerain d'une voix plate lorsque Gerold dénonça l'amusement de certains Maintenant il parle! songeait Borros, venimeux.  Un instant aveuglé par la confiance ingrate qu'il vouait au chevalier d'Havrenoir, l'idée que ce dernier put le menacer ainsi lui parut tour à tour absurde, infâme, puis, avec la simplicité propre à la désillusion, d'une réalité froide. Calcaire.  Un vague sentiment d'insécurité le surprit, étranglant toute trace de réplique dans sa gorge.

    Ils se quitteraient donc fachés, comprit dès lors le Lord d'Accalmie. Cela leur arrivait souvent, bien que l'échange fut d'ordinaire moins radical, porté sur la réserve et les non-dits; le conflit, entre eux, s'arrangeait souvent des circonstances.
    Dans l'ombre pourpre du vin, l'esprit critique du Baratheon était fin comme un fil de fer, prêt à plier, prêt à se tendre et à trancher la chair. De moindres provocations avaient fait pousser des dagues dans ses paumes. Aussi l'inquiétude de la salle s'était mue en attente crispée. On attendait le cri, on redoutait le coup. La réaction, les conséquences, les victimes.
    Lorsque le Dondarrion présenta sa nuque en le saluant, le mouvement de recul d'un invité fit crisser une chaise. Le fou! susurrait-on, effaré de le voir s'incliner. Il voulait prendre congé, souligner qu'il n'était ici qu'en visite, qu'il devait maintenant partir. Le plus vite serait le mieux. Naturellement enclin à mordre la main qui souhaitait l'aider, le Lord s'accomodait avec orgueil de voir cette figure de son enfance le quitter.

    "Assez!" commanda-t-il, outragé, à la mention de feu son petit-fils. Dans son ordre, il y avait eu comme une plainte sinistre, et qui suppliait presque l'autre de partir, sans plus lui accorder un regard.

    Son oeil prédateur, éteint par la boisson, suivait le cheminement de la jeune femme qui se précipitait à la suite de son père. Les serviteurs s'écartaient sur son passage, bousculant même un grand chien qui s'était allongé en travers de l'allée. Dans la mesure de ses manières, Borros redécouvrait le spectacle oublié des gestes de sa fille. Ellyn, dont la sombre diligence avait quelque chose de doux et de confortable; sa certitude docile qui avait toujours manqué à son père. Il ne se rappelait plus comme sa manière de courber l'échine avec grâce devant les caprices de ses soeurs l'exaspérait, ni la manière, sarcastique et vulgaire, par laquelle il l'avait désignée à la Couronne pour épouser le jeune Prince: c'est peut-être la mieux apprivoisée, et ce n'est pas la plus laide. Si elle avait été encore en vie, le troisième orage se serait certainement chargée de raccompagner ses invités, soucieuse que la jeune orageoise n'emporta pas d'Accalmie un souvenir trop amer.

    Visiblement contrarié, le Suzerain se rassit sans hâte. Il couvrit l'assemblée d'un regard sombre après l'avoir étudiée en silence.
    "Quel genre de fête est-ce là!" les invectiva-t-il. Il désigna les mets et les boissons d'un mouvement négligent de la main, quelque chose qui semblait dire "Gavez-vous! Je ne veux plus rien voir!". Puis il s'enfonça de nouveau dans son fauteuil, et ce fut comme s'il ne voyait plus les hommes autour de lui.

    L'impression se précisait. Un sentiment de détresse permanente avait commencé à se frayer une voie en lui-même. Le fardeau de recommencer ce qui ne pouvait l'être, le recommencer à la base. La responsabilité, mais également les exigences matérielles, l'éducation d'un héritier, ses filles, tout cela s'empilait dans une hantise permanente. Il craignait, dans un moment de lassitude, ou de distraction, de ne pas être capable de prendre soin d'elles, et redoutait même de leur nuire.
    Il se retrouvait seul, épouvanté par son propre désespoir. Tout cela commençait -à sa grande horreur- à ressembler à de la résignation.
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