Ciara Tyrell contemplait les premières roses de la saison dans les jardins luxuriants de Hautjardin. Le printemps tardif avait fait éclore ces fleurs délicates, symboles ancestraux de sa maison. Ses doigts effleurèrent les pétales avec précaution, évitant de justesse les épines traîtresses qui protégeaient leur beauté. Avec des gestes précis et mesurés, elle sélectionna sept roses, chacune plus parfaite que la précédente, les coupant avec le soin d'une femme habituée aux subtilités du jardinage.

Dans son bureau, les lettres de Rhaenyra et d'Alicent reposaient sur son office en bois précieux, témoins silencieux du conflit qui déchirait le royaume. La régente du Bief laissa échapper un soupir las, ses yeux scrutant tour à tour ces missives qui portaient en elles les graines d'une guerre civile imminente. Son visage, d'ordinaire serein, trahissait une inquiétude grandissante.

Elle se remémora les années passées, lorsque son défunt mari dirigeait encore le Bief. Les courtisans et nobles voisins s'étaient alors gaussés de son avarice présumée, de sa prudence qu'ils jugeaient excessive. "Lady Ciara et ses greniers pleins", murmuraient-ils dans son dos, raillant cette femme qui insistait pour constituer des réserves considérables de vivres. Cette même femme qui refusait les festins somptueux et préférait investir dans les semences et les outils agricoles.

Mais l'hiver était venu, comme il venait toujours, et avec lui, ces mêmes railleurs s'étaient présentés à Hautjardin, la mine basse et le ventre creux. Ces cigales imprévoyantes avaient dû supplier la fourmi qu'elle était pour obtenir le précieux blé du Bief. Chaque sac de grain accordé était devenu une dette, chaque mesure de blé un levier politique. Sans un mot, sans triomphalisme, Ciara avait raffermi l'influence des Tyrell, transformant la prévoyance en pouvoir.

Désormais, alors que les vents de la guerre menaçaient sur Westeros, la régente savait que le moment était venu d'agir. Une idée germait dans son esprit, aussi délicate que les roses qu'elle venait de cueillir. Elle ne pouvait rester passive face à la menace qui planait sur le royaume, sur son fils, sur leur avenir à tous. La neutralité du Bief devait être préservée, mais elle devait aussi servir de pont entre les factions rivales.

Avec une méticulosité qui la caractérisait, elle prépara sept messages, chacun destiné aux principaux seigneurs de Westeros. Pour Elmo Tully, une rose bleue comme les rivières qu'il gouvernait. Pour Jason Lannister, une rose dorée, reflet de la richesse de Castral Roc. Jeyne Arryn recevrait une rose blanche comme les neiges du Val, Borros Baratheon une rose pourpre évoquant les orages de sa région, Cregan Stark une rose d'un bleu glacial, pareille au givre du Nord et Dalton Grejoy une rose noire digne de la noirceur des océans.

Dans chaque missive, elle glissa également des graines, symbole tangible de ce que le Bief représentait : le grenier de Westeros, la source de vie du royaume. Ce n'était pas qu'un simple geste symbolique, mais un rappel subtil de leur interdépendance. Sans le blé du Bief, même les plus fiers seigneurs verraient leurs forces décliner. La régente scella chaque lettre avec de la cire verte, y apposant le sceau de la rose Tyrell. Ses mots étaient choisis avec soin, appelant à une réunion des grands seigneurs pour discuter de l'avenir du royaume. Non pas une prise de position, mais une invitation au dialogue, un appel à la raison avant que les épées ne parlent.

Dans la pénombre de son bureau, Ciara Tyrell contempla son œuvre. Pour la sécurité de son jeune fils, pour la prospérité du Bief, pour la survie même du royaume, elle devait réussir cette délicate manœuvre diplomatique. La neutralité qu'elle recherchait n'était pas celle de la lâcheté ou de l'indécision, mais celle de la sagesse et de la prévoyance.

Car comme les roses de ses jardins, la paix était une fleur délicate qui nécessitait des soins constants et une main experte pour fleurir. Et comme ses ancêtres avant elle, Ciara Tyrell savait que la plus grande force résidait parfois non pas dans l'épée, mais dans la capacité à faire pousser ce qui nourrit les hommes.

Durant la journée, sept destriers quittèrent Hautjardin pour porter en main propre ces courriers.

Missive de paix

À l'attention des gouverneures et gouverneurs ainsi que des seigneurs suzerains,

En ces temps où l'ombre des dragons danse sur nos terres, je vous écris non comme une simple régente, mais comme gardienne d'un héritage plus ancien encore que la conquête d'Aegon. Le Bief se souvient des temps où la couronne n'était qu'un rêve porté par le vent, tout comme il se souvient de la sagesse du Seigneur Baratheon et de la fierté des Greyjoy face aux flammes qui façonnèrent notre unité.

Les récits nous enseignent qu'un dragon à trois têtes ornait jadis les bannières de la conquête, symbole d'une force unie sous une même volonté. Aujourd'hui, alors que ces têtes regardent dans des directions opposées, nos terres tremblent sous le poids de leur discorde. Les flammes qui forgèrent notre royaume menacent à présent de le consumer.

En tant que gardiens et protecteurs de nos peuples, notre devoir transcende les serments d'allégeance. Il nous incombe de préserver non seulement nos terres, mais l'héritage d'un continent unifié que nos ancêtres ont contribué à bâtir, que ce soit par l'épée ou par la sagesse.

C'est pourquoi, honorable confrères et consoeurs, je vous convie à une discrète assemblée dans les terres de la Couronne, deux jours avant le début des funérailles royales. Ce n'est point une invitation à la conspiration, mais un appel à la prudence et à la sagesse. Comme le grain que nous semons doit être protégé avant la récolte, la paix doit être cultivée avant que la tempête n'éclate.

Avec cette missive, vous trouverez une rose et des graines de nos plus fins plants. Qu'elles vous rappellent que même dans les terres les plus arides, la vie peut fleurir si nous prenons soin de la nourrir. La paix, comme nos récoltes, nécessite patience et vigilance.

Je prie pour que la sagesse guide vos pas jusqu'à notre rencontre.

Que les Anciens et les Nouveaux Dieux veillent sur vous et les vôtres,

Lady Ciara Tyrell Régente du Bief
Gardienne du Sud

Codage par Libella sur Graphiorum, parchemin de ftourini