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    Chronicles of Fire and Steel est une uchronie basée sur les ouvrages de George R. R. Martin. Actuellement, nous sommes en An 132, lune 4, 1ère moitié de la lune et notre zone de jeu s'étend de Westeros à Essos. Le forum est interdit aux moins de 16 ans. Dans le staff, vous trouverez trois administrateurs : Aelix, Rhaenyra et Baela. Pour les accompagner, une équipe de choc avec deux modérateurs : Mysaria et Daemon; ainsi qu'une animatrice : Rhaenar. [Staff]
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    Premier sang
    Coryanne Martell
    Coryanne Martell
    Premier sang
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    An 132 Lune 3

    De nombreuses personnes avaient péri en la protégeant, mais personne n'avait pris soin d'elle comme elle l'aurait voulu pour la consoler. Personne de présent n'aurait pu l'aider à vaincre la tumeur qui se formait au creux de ses intestins de toute manière. L’air phtisique et blême, la petite princesse, dès lors muette, avait désespérément besoin de son frère et de sa sœur, qu’elle demandaient dans ses pensées. Le soir après la bataille, Coryanne rentra dans ses appartements. Tout de suite, elle se coucha dans son lit, ses vêtements et son corps frêle encore gorgés du sang de ses ennemis et de ses alliés. Elle posa un regard fugace sur ses affaires dans ses appartements privés. Coryanne avait de quoi nettoyer ses vêtements et son corps du liquide rouge vermeil tâchant sa peau autrefois douce et immaculée comme le sable du désert, pourtant elle n’en fit rien. Ses paupières tombèrent sur ses yeux comme un marteau de plomb dans la mer. Pirates ! Foudres ! Tempêtes ! Ce soir-là, rien n’aurait pu la réveiller de son sommeil. Cette dernière ne savait pas encore que cette nuit-là allait probablement être la dernière avant de nombreuses insomnies. A ce moment-là, Coryanne était toujours dans le déni et réalisait à peine tout ce qu’il s’était passé. Elle ne se réveilla la journée d’après que la matinée terminée.

    Les jours suivants, au contraire de sa première nuit, Coryanne ne trouva pas le sommeil. Même bercée  par le rythme de la houle sur le bastingage du navire, impossible pour elle de s’endormir. Lorsqu’elle fermait les yeux, toute la scène se déroulait à nouveau très clairement devant elle : l’homme décapité, sa flèche ratée, le bras du pirate autour du sien, sa dague tranchant la gorge de l’homme en deux et le sang giclant sur elle. Sans cesse, malgré ses tentatives désespérées pour arrêter l’écoulement du sang en mettant ses mains sur la nuque du pirate, le sang continuait à couler encore et encore. Elle entendait aussi les cris des pirates et des soldats. Bien que leurs images restent, les morts ne crient pas, on ne les entends pas. Le souvenir des blessés était peut-être encore plus terrible pour Coryanne. Cette dernière entendait leurs cris de douleur comme si la bataille se déroulait encore et toujours comme prise au piège en enfer.

    Seule, plongée dans sa solitude, Coryanne se rongeait l'âme. Elle tenait avec fermeté son poignard dans les mains. Elle ne s’était pas lavée et elle n’avait pas changé de vêtements depuis qu’elle avait tué de ses mains le pirate qui avait cherché à l’enlever.

    La princesse était debout à la proue de son navire, la Flèche du Sud. Depuis trois jours, la princesse de Dorne était vêtue de la même tenue de voyage, choisie à l'origine pour se couvrir des vents marins et pour son confort. Ses habituelles robes, conservées dans l’armoire de sa cabine personnelle, étaient réservées pour son arrivée à Volantis. Ce n'était plus qu'un vague écho.

    Tenue:

    Le Capitaine derrière elle, désormais le seul pilier de stabilité du bateau, donnait des ordres aux marins tandis qu’à l’horizon se profilait le port de Sang Dragon. Sir Boros était un marin expérimenté et un vétéran de la marine, il avait connu à son actif plusieurs batailles marines en mer. Au sein du navire, ses paroles étaient des ordres, surtout depuis que le second avait trouvé la mort durant la bataille contre les pirates. De plus, Coryanne s'était refermée sur elle-même et n'avait, depuis la bataille, donné aucun ordre à son équipage.

    Ce dernier regarda tout autour de lui. Devant, derrière, à droite ou à gauche, qu'importe, de tous côtés seules les voiles noires de la Targaryen étaient en vues depuis des heures. Leur navire était complètement cernés par les forces de Rheanyra. Cette dernière parlait d'une escorte, mais qu'en était-il vraiment ? Le capitaine s'inquiétait pour la suite. Il avait avec lui de braves marins et des soldats expérimentés, mais tous avaient soit le moral au plus bas soit étaient blessés. La flèche du sud n'avait plus rien de sa superbe et n'était plus qu'un navire fantôme en sursis peuplés d'âmes en tourments.

    - On se prépare à amarrer ! Affalez les voiles !

    Ce dernier se tourna vers la princesse. Il s’avança vers elle et tenta de la toucher en passant sa main sur l’épaule de Coryanne. Cette dernière sursauta et s’éloigna de lui, manquant presque de tomber du bateau à cause de son sursaut. Elle angoissait à l’idée d’être touchée.

    - Pardon pour mes manières princesse, je ne voulais pas vous surprendre.

    Le vieux marin barbu toussa à deux reprises, une toux grasse, avant de ravaler sa salive.

    - Nous arriverons au port dans quelques minutes. Vos vêtements passent encore, mais votre visage aurait besoin d’un brin de toilette de votre altesse.

    Coryanne sentit son cœur s’accélérer soudainement. Elle reconnaissait très bien cette émotion à présent : il s’agissait de l’angoisse, de l’anxiété. Elle avait envie de pleurer. Elle ne voulait plus bouger, elle ne voulait plus marcher, elle ne voulait plus continuer. Elle désirait juste rester là pour toujours et que personne ne vienne l’ennuyer. Malgré l’insistance du capitaine, Coryanne resta sous la choc. Elle le repoussa d’un geste de la main.

    - Larguez les amarres moussaillons ! Soldats, laissez vos armes dans vos fourreaux et préparez les blessés. Toi, toi, toi et toi, vous quatre, vous restez près de la princesse. Rien ne doit lui arriver.

    Les soldats s’approchèrent de Coryanne et l’aidèrent à se lever. La jeune fille n’avait presque pas mangé ni dormi depuis deux jours et deux nuits. Son corps était faible, son esprit à la dérive.

    La princesse de Dorne s’avança sur le pont, encore maquillée du sang séché de ses ennemis. Elle était suivie de très près par quatre de ses gardes. A ses côtés, se tenait le capitaine, grand et fort malgré le voyage. Derrière eux, une dizaine de soldats épuisés dont des blessés et le reste de marins.
    Dim 6 Oct 2024 - 20:12
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    Rhaenyra Targaryen
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    Un voyage périlleux
    Rhaenyra Targaryen & Coryanne Martell
     
    Sur le quai, Rhaenyra attendait, patiemment. Le système de vigie récemment commencé avait déjà porté quelques fruits. On l'avait informée de la présence dans les eaux troubles des Degrés d'un navire dornien. Si la présence de cette région n'était pas si surprenante - Dorne était proche des Degrés -, ce navire semblait être assez richement paré, ce qui semblait indiquer un contingent marchand ou diplomatique. La nouvelle avait interpellé Rhaenyra ; pourquoi Dorne enverrait-il un navire en plein dans son territoire, sachant pertinement les dangers qui rôdaient et sans position politique claire entre les deux puissances ? Le choix s'était alors offert à elle : venir en aide au navire ou bien le laisser périr. Il était pourchassé par de redoutables pirates, alors le choix le plus simple aurait été de ne rien faire. Ne pas s'interposer et laisser le destin opérer. Mais l'inaction n'était pas dans son sang, pas plus que la couardise de ne pas provoquer de combat. La suzeraine avait donc demandé à dépêcher une poignée de navires à proximité pour porter secours au vaisseau dornien. De combat il n'y eut point, les bandits préférant la fuite, leurs effectifs ne jouant pas en leur faveur.

    Rhaenyra attendait, patiemment, donc. Le navire dornien était apparu à l'horizon visible depuis le quai de Sang Dragon, lequel bouillonnait d'activité due à l'ensemble des travaux qui avaient été lancés sur les îles des Degrés. Parée des atours dus à son rang, dont sa couronne, la suzeraine approcha lorsque le navire amarra, précédée par quelques-uns de ses gardes qui s'approchèrent du petit escalier qui permettrait aux occupants du navire de mettre pied à terre. Les premiers à sortir furent un homme d'âge mur, traits fermés, visiblement éprouvé mais digne, et une jeune femme aux longs cheveux noirs et à la peau hâlée. Ses vêtements étaient déchirés et du sang séché parsemait son visage et le reste de son corps. Le blason Martell, fièrement brodé sur la tenue, ne laissait planer que peu de doutes sur l'identité de la jeune fille. Immédiatement derrière eux, quatre gardes débraillés, l'air fatigué. En prêtant attention, on pouvait distinguer quelques mouvements en arrière sur le pont qui montraient la présence d'autres personnes qui ne se présentèrent pas. Tous avaient une mine bien lugubre,  témoin que le voyage prévu ne s'était sans doute pas déroulé comme ils l'espéraient.

    Rhaenyra observa ses gardes faire descendre le vieil homme et sa protégée jusque sur le quai puis s'adressa à eux :

    « Saisissez leurs armes, ils n'en auront pas besoin. »

    Sous l'impulsion de quelques-uns de ses gardes, Rhaenyra sentit le chef se raidir visiblement alors elle le toisa, mains liées devant elle.

    « Je vous conseille d'obtempérer, capitaine. A moins que vous ne préféreriez tenter votre chance une nouvelle fois dans les eaux tumultueuses face aux pirates. C'est votre choix. Ou plutôt celui de la jeune fille qui vous accompagne, à moins que mes yeux ne me jouent des tours. »

    En réalité, il y avait peu de chance que Rhaenyra les laisse repartir sans même une discussion. Il n'avait de toute façon pas beaucoup d'autre option si ce n'était se plier à la volonté de la suzeraine des lieux. Après un échange de regards, il laissa faire la garde avancée de la suzeraine et fut désarmé, au même titre que les autres gardes qui les accompagnaient. Les armes réquisitionnées furent emmenées dans l'armurerie pour être stockées.

    La Targaryen jeta un regard au navire en piteux état puis à la jeune fille. Sa jeunesse apparente la frappa, et elle imagina si l'un de ses enfants se trouvait à sa place. Elle s'adressa au chef de sa garde, resté à ses côtés, ne quittant pas la dornienne des yeux.

    « Donnez-leur à manger et à boire, prenez en charge les blessés. Trouvez des vêtements propres à notre invitée et faites-la comparaître dans la salle du trône. Mettez les autres en cellule et fouillez le vaisseau. »

    Puis elle se détourna et regagna la salle du trône, dans l'attente de l'arrivée de la jeune Martell.




    By Phantasmagoria

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    Premier sang
    Coryanne Martell
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    Ne voulant pas lâcher son sabre, le capitaine se montra récalcitrant face aux soldats de Rhaenyra en empoignant le fourreau de son arme. L’homme était mu par un courage et une loyauté sans faille envers Dorne. Il n'est pas devenu le capitaine du navire de la maison Martell sans raison, comme un fauve sauvage sur le point d’être mit en cage, celui-ci refusait de se laisser faire par fierté. Coryanne s’avança pour lui parler.

    - Cessez de vous battre, pensez à votre femme et vos enfants qui vous attendent. Vous avez fait tout ce que l’honneur, la loyauté, la force et la bravoure exigeaient de vous.

    Elle se tourna vers le reste de son équipage.

    - Je le pense aussi pour chacun de vous. Vous vous êtes battus avec vaillance jusqu’à la toute fin. A présent et jusqu’à nouvel ordre de ma part, obéissez aux ordres de son Altesse Rhaenyra et n’opposez pas de résistance. Vos pensées doivent être toutes entières consacrées à une seule chose : retourner chez vous.

    Le capitaine serra son poing contre son cœur en guise de révérence militaire face à la princesse Coryanne, témoignage de son respect envers la maison Martell. Il hocha la tête et s’avança en marchant, pour le premier, descendre la rambarde et mettre pied à terre. Il décrocha le fourreau de sa ceinture et déposa son attirail dans les bras d’un garde. Chaque soldats et marins capables de marcher firent de même, un à un, frôlant de leurs bottes le sol de Sang Dragon en file indienne.

    Lorsque les gardes et les marins eurent terminé de quitter le navire, il ne resta plus que Coryanne sur le pont, armée de son poignard qu’elle tenait avec fermeté dans sa main droite, blanchissant ses doigts à cause de la pression qu’elle mettait autour du manche de l’arme. Un garde s’approcha d’elle pour lui retirer son poignard, mais celle-ci bondit en arrière à cause de la peur. Elle ne voulait pas lâcher son arme. A chaque pas en avant que le garde faisait, Coryanne reculait d’un pas guidée par son instinct de survie et ses intestins. Rheanyra insista, le garde aussi, obéissant à sa suzeraine. Acculée et ne voulant strictement pas être touchée, celle-ci décida de déposer son poignard sur la rambarde du navire, laissant au garde le soin de récupérer la lame.

    Coryanne descendit lentement la rambarde de son navire, la chair de poule hérissant ses poils à cause de la brise marine, elle quitta son fief avec une boule au ventre d’appréhension. Ses pensées se tournèrent vers le capitaine, les marins et les soldats, mais aussi envers son frère, sa sœur et plus amplement encore, vers Dorne. Elle pensait à tous ceux qu’elle allait décevoir, à ceux qui s'inquiétaient pour elle et à ceux qui allaient peut-être encore mourir pour elle. Avec un manque de conviction qui lui allait si bien, la princesse Coryanne, empreinte de doutes et d’incertitudes, ruminait sans cesse en elle le passé, le présent et le futur. Mais qu’a t’elle fait de mal ? Mais que peut-elle faire ? Mais que se passera-t-il ? De telles questions l'oppressaient comme un lourd fardeau. D’habitude, elle appréciait les réflexions capilotractées, les énigmes, faire chauffer son cerveau. Ici, ce n’était pas comme d’habitude, Coryanne se sentit accablée par ses réflexions et ses questions.

    Elle était plongée dans un intense état d’apathie.

    Arrivée dans une chambre qu’elle ne connaissait pas, une servante l’attendait avec des habits neufs, du savon, un seau d’eau froide et une éponge. Cette dernière nettoya le visage, le cou et les épaules de Coryanne du sang séché des pirates et de ses soldats. Ensuite, la princesse enfila d’elle-même des vêtements neufs. Interpellée par la présence d’une écaille de dragon cachée dans les vêtements de la Martell, la servante s’en empara pour en rendre compte à ses supérieurs. Réveillée de sa léthargie, Coryanne perdit son sang-froid et se mit à verser de chaudes larmes qui coulèrent sur ses joues hâlées. Elle culpabilise. Qu’est-ce qu’elle culpabilise. Pour sa léthargie. Pour sa faiblesse. Pour un tas de choses.

    - Ce n’est pas une arme espèce de voleuse ! Allez-vous donc tout me prendre jusqu’à la moelle ? C’est à moi, dit-elle en essayant de reprendre l’écaille tout en pleurant comme une petite fille.

    Elle avait mis toute son énergie à retenir ses larmes pour ne pas pleurer devant les soldats de Dorne, pour rester digne face au Soleil de la Maison Martell, fière et inébranlable sur son navire. Alors qu’on la dépouillait une fois de plus, une fois de trop, les larmes coulèrent à l’insu de la princesse. Après quelques secondes, la princesse serra ses poings et redressa aussitôt en séchant ses larmes et ses yeux rouges bouffis.

    - Réveille-toi bon sang Coryanne, tu as encore des devoirs à accomplir. Tu auras le temps de pleurer après, marmonna-t-elle.

    Finalement, Coryanne donna d’elle-même l’écaille à la servante qui passa ensuite l’objet à un garde. Ce dernier fit le chemin en avance jusqu’à la salle du trône pour remettre l’écaille à la Suzeraine des Degrés, lui expliquant que cette écaille avait été trouvée sur Coryanne. Encore un peu tremblante, cette dernière se redressa et essaya du mieux qu’elle peut de paraître la plus forte et la plus digne possible.

    Pendant qu’elle marchait vers la salle du trône accompagnée de soldats, Coryanne réfléchissait à plusieurs répliques dans sa tête, en particulier à la façon dont elle allait se présenter et ce qu’elle allait dire. Son esprit embrumé, d’habitude si rapide pour trouver des idées, fonctionnait au ralenti.

    Arrivée à la salle du trône, Coryanne n’avait toujours rien trouvé à dire. Elle resta muette devant Rhaenyra, dans l’attente de son sort, suspendue aux lèvres de la Suzeraine et le cœur battant la chamade, à présent incapable de réfléchir. A peine avait-elle sursauté, à peine avait-elle trouvé en elle un peu d’énergie, que Coryanne replongeait aussitôt dans son apathie. Sa tête ne fonctionnait plus correctement.
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    Rhaenyra Targaryen
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    Un voyage périlleux
    Rhaenyra Targaryen & Coryanne Martell
     
    Sur son trône, Rhaenyra patientait. Elle tournait les informations dont elle disposait en boucle dans son esprit, tentant de leur donner du sens. Si la Martell était venue jusqu'aux Degrés, il devait y avoir une bonne raison. Qu'est-ce qui pousserait la vipère à quitter son nid à part la promesse de richesses ou d'alliances ? Partait-elle courtiser l'une des trois Filles ? Nul doute qu'il ne s'agissait pas là d'Aliandra Martell, d'un tempérament qu'elle imaginait plus fougueux, alors cela devait être Coryanne.

    La porte s'ouvrit pour laisser passer un garde. Il tenait dans sa main un petit objet que Rhaenyra ne reconnut pas tout de suite. Lorsqu'il s'approcha, elle blêmit. Une écaille de dragon. Il l'informa l'avoir trouvée sur la jeune Martell pendant qu'elle revêtait ses nouveaux vêtements. La princesse Targaryen tourna l'objet entre ses doigts, pas plus gros d'une phalange, brillant de son éclat caractéristique de l'écaille draconique, nacré de plus, correspondant clairement à la couleur reconnaissable d'Arrax, le dragon de Lucerys. L'inconstance de son fils aurait pu créer un accès de colère, mais la suzeraine n'en manifesta que le serrage des poings et de la mâchoire. Elle règlerait cela avec lui lorsqu'il serait de retour. D'autres sujets étaient plus pressants.

    D'un bref signe de tête, elle congédia le garde avant de faire quelques pas pour déposer l'écaille près d'une bougie, sur le haut d'une commode en bois. La porte s'ouvrit de nouveau, laissant apparaître la princesse dornienne. Sa nouvelle tenue, principalement constituée d'un pantalon et d'une chemise amples en lin surmontée d'un veston sans manches, était simple mais redonnait déjà un éclat à son visage aux traits fins.

    Rhaenyra resta silencieuse un instant, attendant peut-être une intervention de la jeune femme. Qui ne vint pas.

    « Vous êtes bien silencieuse pour une intruse qui pénètre sur mes terres sans laisser-passer. »

    Sa voix avait brisé le silence de la haute pièce, rebondissant sur les murs et dans les alcôves qui donnaient sur l'extérieur. Sang-Dragon était une majestueuse île, et sa suzeraine s'efforçait d'être à la hauteur.

    « Si vous n'avez rien à dire, alors je vais vous conter le récit que j'entrevois. Un navire dornien, sans doute accompagné, fait route vers Essos dans l'espoir de conclure un accord. Mais les conditions de navigation se sont révélées bien plus difficiles que ce que vous aviez prévu. Les eaux, traîtres et impardonnables. Et les pirates ont eu raison de votre détermination. »

    Tandis qu'elle parlait, elle la toisa. Elle avait quoi, quinze, seize ans ? Quelle drôle d'idée de l'envoyer sur un vaisseau parlementer à l'autre bout du Détroit.

    « Plutôt que de vous murer dans le silence, je dirais que vous devriez me remercier de vous être venus en aide, sans quoi votre vaisseau serait au fond des Degrés à l'heure où nous parlons, et vous avec. Ou alors vous auriez été capturée par les bandits qui vous ont attaquée, ce qui n'est guère un sort plus enviable, croyez-moi. »

    La jeunesse marquait ses traits, et les sillons sur ses joues, sans doute creusés par des larmes, n'échappèrent pas à la suzeraine qui ne se laissa pour autant pas attendrir. Le traumatisme était présent sur son visage, mais pour l'heure elle avait des comptes à rendre.

    « A moins que vous ne soyez venue pour porter atteinte aux Degrés et à sa famille suzeraine, de quelque façon que ce soit. »

    Scénario qui ne lui plaisait guère plus, si ce n'était pour les possibilités qu'il pouvait ouvrir. Le repas de la jeune fille franchit la porte par l'intermédiaire d'une cuisinière et la suzeraine fit un signe de la main pour qu'ils posent l'assiette rudimentaire sur la table, derrière la Martell. Rhaenyra sentait sa patience s'amenuiser, alors elle reprit, haussant le ton :

    « Parlez, princesse, sinon je choisirai le récit qui me convient le plus. »




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    Premier sang
    Coryanne Martell
    Coryanne Martell
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    Sensible aux avertissements et à la pression que Rheanyra exerçait sur elle, Coryanne ne put conserver son mutisme plus longtemps. Elle comprit que son intervention était vivement recommandée, si elle ne voulait pas subir les représailles de son apathie. Guidée par la fierté des Martell, Coryanne ne fit pas de révérences, mais elle se montra aussi polie et respectueuse que l’étiquette l’exigeait durant une telle entrevue, appuyant par sa posture son désir de se montrer sous un jour convenable et en tant que l’égale de la suzeraine. Elle inspira longuement une bouffée d’air afin de gonfler ses poumons et de faire porter sa voix dans la salle du trône.

    Merci pour votre hosp-p-pitalité Dame Rheanyra.

    La voix de la princesse était tremblante et peu sûre d’elle, mais on pouvait lui accorder ses efforts pour ne rien laisser transparaître. Elle faisait preuve d’une force remarquable.

    Votre mansuétude envers nos blessés vous honore. Je me présente. Princesse Co-coryanne Martell. J’ai la bénédiction de ma sœur pour représenter notre M-maison, dans les limites de mes pouuuuvoirs.

    Que devait-elle dire ? Que ne devait-elle pas dire ? Rheanyra s’appuyait sur son trône et attendait d’elle qu’elle parle sans attendre. Visiblement, la suzeraine ne comptait pas lui laisser le temps de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Embêtée, Coryanne, pour gagner du temps et réfléchir à ses prochains mots, parlait avec une lenteur exceptionnelle, comme si elle avait le souffle coupé. Cette lenteur lui permettait d’aligner des mots dans ses pensées et de créer sa prochaine phrase avant de la dire.

    Pour une fois, Coryanne regrettait amèrement de ne pas avoir lu plus attentivement les traités politiques, en particulier les textes sur la diplomatie. Elle improvisait totalement. Les tremblements dans sa voix continuèrent. La petite Martell avait peur du sort qu’on lui réservait. En tous cas, même si sa façon de s’exprimer pouvait laisser perplexe, elle ne mentait pas et s’exprimait avec une franchise… cachée… derrière ses maladresses qui laissaient plutôt à croire qu’elle était sur le point de s’évanouir devant son hôte.

    Peut-être ne le saviez-vous pas…

    Heu… mais sous mon impulsion, Dorne a entrepris de créer des comptoirs commerciaux en mh… Essos. Je naviguais à cette fin, avant que mon navire soit pris pour c-cible, et que je sois obligée de fuir vers les Degrés. Mes intentions ne sont donc pas belliqueuses.

    Elle s’éclaircit la gorge d’un toussotement. Les lèvres de Coryanne sont sèches et sa salive tourne à peine dans sa bouche. Elle meurt de soif et parle avec une certaine difficulté.

    Comme vous le savez déjà, Dorne demeure neutre et indépendante. La maison Martell, soyez-en assurée, désire conserver cet état. Il n’est donc pas dans nos in-inttt, pardonnez-moi, intentions de vous nuire de quelque façon que ce soit.

    Son cœur battait la chamade. Elle transpirait dans ses vêtements à cause de l’angoisse qu’elle ressentait. Coryanne s’avança d’un pas vers le trône pour montrer sa motivation.

    Peut-être pourriez vous libérer mon escorte et mes gardes afin de discuter de l’avenir de nos deux maisons dans les conditions qui sont d'usage dans des discussions comme celles-ci ? Je veux dire, nous pourrions peut-être tout reprendre depuis le début dans de meilleures conditions ?

    De plus, Coryanne était intimidée par la grande salle dans laquelle elle devait parler. Elle n'aimait pas entendre sa voix, plutôt taciturne. Devoir élever ainsi le ton pour être entendue était un exercice vraiment compliqué pour une personne aussi timide qu'elle.
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    Rhaenyra Targaryen
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    Un voyage périlleux
    Rhaenyra Targaryen & Coryanne Martell
     
    La jeune fille faisait peur à voir. Ses vêtements propres ne suffisaient pas à dissimuler les épreuves qu'elle avait vécues jusque là ; rien ne le pourrait. Tout était clairement affiché sur son visage, lisible comme le seraient des lignes manuscrites sous une bougie, même s'il était propre, à présent. Rhaenyra n'oubliait pourtant pas qui elle était. La princesse d'une principauté qui tenait à son indépendance plus qu'à tout le reste et qui adorait louvoyer dans une direction ou dans une autre pour tirer son épingle du jeu. La mise en garde de Daemon à leur sujet lui revint en mémoire ; un repaire de serpents, dangereux et imprévisibles. Il ne fallait pas s'y frotter de trop près, sous peine de perdre la vie.

    Coryanne Martell sembla recouvrer une partie de ses forces, et ce fut d'une voix tremblante qu'elle prit la parole, brisant à son tour le silence imposé par Rhaenyra. Elle mentionna la mansuétude de la Targaryen, se présenta. Rhaenyra écouta attentivement. Ainsi donc Aliandra était au courant et avait même béni cette expédition.

    Un sourire étira le visage de la suzeraine tandis que la frêle princesse exposait l'indépendance de Dorne comme point d'honneur pour les Martell, ainsi que pour les autres maisons nobles. Ils n'avaient que ce mot aux lèvres, les dorniens. Pour autant, cet honneur dont ils se paraient n'était que chimère. L'indépendance n'était qu'une illusion qui ne tarderait pas à voler en éclats.

    « Vous parlez d'indépendance, princesse Coryanne, mais vous entreprenez dans le même temps un voyage pour nouer des relations avec des puissances étrangères. »

    La Targaryen n'était pas dupe mais la princesse ne se démonta pas pour autant, et elle entreprit de demander avec courage la libération de son escorte. Habile, et bien tenté, il fallait l'avouer.

    « Vous auriez raison, si nous étions dans une situation d'usage. Votre arrivée ici n'a rien d'habituel et la situation dans laquelle nous sommes n'a rien de coutumier. Il aurait été d'usage, par exemple, que votre suzeraine vous fournisse un ordre de mission et une délégation de pouvoir pour accomplir votre devoir diplomatique et ainsi éviter tout soupçon de duplicité. Votre sœur est une dirigeante lucide et habile, elle devait bien savoir que le voyage était dangereux. »

    Elle marqua une brève pause, reprenant ensuite pour compléter son propos.

    « Or nous n'avons rien trouvé sur vous. Votre vaisseau, semble-t-il, est vide de tout présent ou de toute richesse. Curieux, ne trouvez-vous pas, que toute preuve pouvant attester de la véracité de vos paroles se trouve au fond de l'océan ou bien au chaud sous le soleil de Lancehélion. »

    De là à dire que la situation avait été provoquée par Aliandra... Il n'y avait qu'un pas. Que Rhaenyra ne franchit pas. Restait à voir si Coryanne pouvait faire le chemin toute seule.

    La suzeraine parcourut quelques pas et désigna le petit repas posé sur la table.

    « Ceci est pour vous, princesse. Buvez et mangez, vous semblez en avoir besoin. »

    Rhaenyra se servit de son côté un verre de vin, puis se retourna vers Coryanne, le visage empreint de curiosité :

    « Quelle relation entretenez-vous avec mon fils, Lucerys ? »




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    Coryanne Martell
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    Lucerys et moi avons échangé quelques lettres. Je ne vous dirais pas ce que nous nous sommes dit. Vous ne seriez probablement pas contente que je dévoile les sentiments de votre fils. En tant que Dame, je tiens à la discrétion et à garder ces lettres privées. Mais je peux vous dire que même si je ne l’ai jamais rencontré, je l’ai trouvé tout à fait beau et charmant.

    Coryanne accepta de s’asseoir à la table de banquet. Suite aux accusations de Rheanyra, le visage de la princesse se décomposa. Outrée, la petite Martell trouvait injuste que la suzeraine des Degrés puisse ainsi douter de ses paroles et de sa franchise. Secouée par cette profonde injustice, un sentiment de révolte et de frustration naquit chez Coryanne. Les poings serrés et les sourcils froncés, elle déclina la proposition de la souveraine.

    Non merci, je n’ai pas faim, dit-elle avec un air de défi. Tant que mes hommes seront injustement dans les geôles, je n’aurais pas le cœur à boire et à manger.

    La pauvre enfant avait la naïveté de sa jeunesse : elle croyait encore en l’amour et en la bonté des gens. En tant que jeune femme sensible, elle se révoltait face à l’injustice, et en tant qu’adolescente, face aux abus de pouvoir.

    Nous n’avons rien fait qui justifie tout ceci. Nous avons seulement manqué de chance et nous avons fuit pour nos vies. Il reste encore trois ambassadeurs de ma délégation qui ont été enfermés. Vous pouvez aussi demander à mes hommes qui confirmeront tous mes dires. Pour le reste, tout a été saccagé dans la bataille avec les pirates ou a été jeté à la mer suite à mes ordres. J’ai ordonné que tous trésors et objets inutiles à la survie soient jetés pour gagner en vitesse et fuir. Je n’en ai rien à faire de l’or face à la vie de mes sujets. Nous avions une escorte plus que conséquente, mais nous sommes tombés sur une embuscade et les pirates étaient des centaines !

    Coryanne, prise d’une énergie folle, semblait presque bondir de son siège en s’expliquant. Elle parlait avec une vigueur que la suzeraine ne connaissait pas. On pouvait lire sur le visage de la princesse tout le sentiment d’injustice en elle qui la poussait à agir ainsi et à parler avec autant de défiance, mais aussi avec une certaine passion.

    Son voyage n’avait pas encore fait taire ses espérances. Subir l’effroi de la bataille aurait pu entamer sa crédulité et sa candeur, mais la princesse n’avait pas encore subi de plein fouet assez la dure réalité du monde, semblait-il.

    Elle s’effondrait sur sa chaise, se décomposait, se révoltait encore.

    Je ne comprends pas pourquoi vous doutez de moi. Nous ne comptions pas conclure d’alliance militaire ou politique, nous faisions ce que Dorne a toujours fait : développer notre commerce et la culture pour prospérer en tant que maison neutre et partisan de la paix. Nous ne sommes que des gens épuisés et affamés. Comment pourrions-nous vous faire le moindre mal ?
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    Rhaenyra Targaryen
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    Un voyage périlleux
    Rhaenyra Targaryen & Coryanne Martell
     
    Il sembla que le ton de la princesse dornienne changea du tout au tout. D'abord immobile, recroquevillée, abattue, elle se faisait plus combattive, plus intense et surtout vigoureuse. Ce fut avec un affront tout naturel qu'elle répondit à la suzeraine, reprenant du poil de la bête, une attitude qui pouvait tout aussi aisément plaire que braquer. Heureusement pour elle, la Targaryen était d'humeur légère en cette journée. Les chantiers lancés avançaient bien, et la providence semblait avoir joué en sa faveur en lui envoyant la jeune Coryanne. Ou les pirates, c'était selon.

    La pudeur relative de la jeune fille mit un sourire sincère sur le visage de Rhaenyra, qui se souvint de ses propres années de jeunesse. A l'époque, elle en avait été loin, de ce comportement presque chaste. A l'époque, un regard trop appuyé d'un homme sur elle suffisait à lui faire tourner la tête et s'imaginer des scénarios tous plus fous les uns que les autres. C'était le désir de liberté qui l'avait forgée et qui guidait ses pas toujours aujourd'hui. Rhaenyra l'observa avec une certaine douceur, tandis que Coryanne s'asseyait à la table qu'elle lui avait désignée :

    « Je n'ai pas demandé le contenu des lettres, princesse Coryanne. J'ai demandé la nature de votre relation. »

    C'était différent, même si la réponse de son altesse la princesse était tout autant instructive. Elle le respectait suffisamment pour ne rien révéler. Elle le disait charmant et beau, même si ce dernier compliment naissait sans doute d'une vision imaginée qu'elle avait de lui, ne l'ayant jamais rencontré en personne. Son refus de répondre était louable pour ces raisons, même si Rhaenyra en avait assez des secrets autour de cette histoire, d'autant plus lorsqu'ils venaient de son propre fils...

    « Je sais que vous vous êtes écrit. Mon fils ne fait rien sans raison. S'il vous a écrit, c'est qu'il tient à vous, d'une certaine façon. »

    Ce qu'elle ne parvenait pas réellement à expliquer. Mais l'inclinaison du coeur de jeunes adultes avait-elle réellement une explication ? La tentative de rébellion de la jeune Martell sur le repas proposé, pour le coup, était risible. Courageuse, quelque part, mais risible. Le sourire Targaryen s'effaça tandis qu'elle s'approchait de quelques pas vers la table.

    « Mangez, princesse. Ce n'est pas en vous laissant mourir de faim que vous réussirez à prouver quoi que ce soit, ni à regagner le contrôle sur cette situation qui vous échappe très clairement. Votre mort ne m'apporterait rien, pas plus qu'à votre sœur ou à vos hommes. Votre escorte sera traitée correctement, vous avez ma parole. Mangez. » asséna-t-elle d'un ton qui n'amenait à aucune discussion supplémentaire sur le sujet.

    D'autant que si elle la voulait morte, elle ne se serait pas embêtée à tenir une conversation.

    L'autre sujet sur la table était celui de Dorne et de ses intentions, portées par Coryanne, comme elle l'avait si hautement proclamé. Les déclarations de la dornienne étaient hautes en couleur, les démonstrations de son énergie à montrer son innocence étaient flagrantes, presque un peu trop. Rhaenyra reconnaissait bien là l'impulsivité de la jeunesse et sa candeur. Elle donnait des informations, néanmoins, sur son voyage et ce qui s'était passé. Le récit était fluide et le masque de terreur qui s'emparait d'elle lorsqu'elle se remémorait tout ce qui lui était arrivé était bien réel. La mention de Dorne en tant que maison neutre et artisan de la paix fut la goutte d'eau qui provoqua le caractère colérique de la souveraine. D'un seul geste, elle abattit ses mains sur la table à laquelle était assise Coryanne, paumes à plat. Elle la fixa, durement :

    « Que penserait Corlys Velaryon de votre neutralité ? Je conviens que des choses peuvent vous échapper mais regardez au-delà des mots. Vous dites que Dorne a toujours voulu rester neutre. Alors éclairez ma lanterne, je vous en prie, sur la réprimande de vos vassaux dorniens ayant envoyé des navires en soutien à la Triarchie pendant la guerre. Votre suzeraine montre une communication irréprochable, mais ces actes parlent d'eux-mêmes. »

    L'énumération de faits était accablante et la question à demi posée n'attendait aucune réponse. Une puissance neutre n'aurait jamais agi, de quelque façon que ce soit. Corlys avait perdu la vie en tentant de sauver Rhaenys, ce qui montrait que ce n'était ni un accident, ni un acte spontané. Dorne avait été soupçonnée, sans que cela ne puisse être réellement prouvé mais Rhaenyra restait persuadée qu'elle était coupable. Sans compter que la défiance envers cet aride désert ensoleillé était bien présente depuis des années du au passif qui existait.

    « Dans ce contexte, je gage que vous saurez pardonner ma méfiance. Les Noirs ont sans doute leurs défauts, mais au moins, nous ne nous cachons pas derrière de faux principes. »

    Coryanne devait être en mesure de le voir. On la disait cultivée et intelligente. Peut-être ne voulait-elle rien avoir à faire avec la diplomatie. Dans ce cas, pourquoi prendre part à ce voyage ? Ou bien peut-être que sa jeunesse teintée de naïveté l'emportait sur la raison. Un trait qu'elle partageait sans doute un peu avec Lucerys. Rhaenyra gagna la petite commode sur laquelle elle avait déposé l'écaille de dragon, la prit entre ses mains et la montra à la jeune Martell.

    « Cette écaille en votre possession n'a rien d'anodin. Une écaille de dragon est un objet sacré, une symbolique puissante pour notre famille. C'est le sang qui coule dans nos veines, ce n'est pas un présent parmi tant d'autres. C'est une promesse, l'espoir d'un futur partagé, un lien à travers le temps et l'espace. Le comprenez-vous ? Comment pensez-vous que votre sœur aurait réagi, si elle l'avait trouvée sur vous ? A votre avis, quel poids auraient eu vos explications face à sa volonté de maintenir votre indépendance ? »

    Rhaenyra avait sa petite idée mais elle laissa la jeune femme y réfléchir.




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    Coryanne Martell
    Coryanne Martell
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    Dès la première lettre du galant chevalier, Coryanne ne manqua pas de s’imaginer un Lucerys beau et à son goût, comme en témoignait dans sa chambre une petite feuille de papier sur laquelle elle s’était amusée à écrire une description du jeune homme tel qu’elle se l’imaginait en fermant ses yeux. Ce soir, grâce à sa mémoire surnaturelle, Coryanne était encore capable de se souvenir de chacun des mots, sans exception, qu’elle avait utilisés sur cette feuille pour le décrire. Néanmoins, trêve de rêveries et de sensibilités, l’heure n’était pas à la poésie. L’imagination de la princesse ne portait plus que l’horreur de la bataille, l’intensité des cris de souffrance des blessés et le visage blême des tombés sur le champ d’honneur. Les mains de Coryanne tremblèrent sur la table alors qu’elle revivait le chaos et la sauvagerie du pillage de son navire.

    Nous nous apprécions mutuellement. Nous voulions en apprendre plus en détail sur l’autre. Nous savions que nos relations épistolaires n'aboutiraient à rien de concret, mais lui rêvait d’un peu de paix et de poésie dans sa vie, chassant durant une heure la rudesse de son existence pour la douceur que je pouvais lui apporter et qu’il ne trouvait pas chez lui.

    Et moi je trépignais de frissons et d’écouter ses aventures. Je crois que, en un sens, nous nous complétions dans nos envies antagonistes, conclut en secret la princesse dans ses pensées.

    Timide, elle n’aimait pas exposer ses sentiments à la vue et à l’oreille de tous. Moins elle en disait, mieux elle se sentait mentalement. Au final, Rheanyra ne se rendait peut-être pas à quel point s’entretenir ainsi avec Coryanne était rare, ô combien rare que cela faisait plusieurs semaines que la princesse Martell n’avait pas ainsi discuter en face à face avec quelqu’un d’autre que son faucon ou sa mère. La solitude lui allait particulièrement bien. Cependant, comme toutes les jeunes princesses emprisonnées dans une Tour et contemplant le monde à travers un vitrail, elle sentait qu’elle avait besoin de plus pour vraiment être en vie. Son souhait exaucé, à présent, Coryanne le regrettait avec amertume. Quoique, depuis qu’elle avait goûté au nectar de la survie, la princesse ne s’était jamais sentie autant en vie qu’en cet instant. Avoir survécu à la mort, c’était avoir goûté à la vie.

    Stoïque sur le pont de son bâteau, plongée dans un extraordinaire mutisme, Coryanne goûtait pour la première fois aux petits plaisirs de l’existence : pouvoir respirer l’air frais, sentir le vent sur son corps, le soleil sur sa joue, voir un dauphin nager dans la mer… Toutes ces choses d’ordinaire si simples que l’on se contente d’ignorer par habitude, Coryanne s’en délectait à présent.  

    S’il tient en effet à moi, vous devriez vous en féliciter non ? Qu’y a t’il de plus beau et de plus enivrant que l’amour ? Surtout si c’est ce qui rend heureux votre enfant.

    Une fois de plus, Coryanne se montra silencieuse et secrète. Écoutant l’avertissement de Rheanyra, la princesse de Dorne mangea et but avec appétence. Discuter avec la suzeraine des Degrés permettait à la princesse de se concentrer sur autre chose que les carnages de la Flèche, cela l’apaisait. Tant que Rheanyra n’haussait pas le ton, tant que personne ne cherchait à la toucher, Coryanne reprenait peu à peu pied et ses capacités. Bien sûr, la moindre tentative de la toucher ou de lui crier dessus aurait tôt fait de provoquer la syncope de la princesse et de la rendre incapable de parler.

    Tandis qu’elle portait son gobelet d’eau à ses lèvres, le mouvement brusque et soudain de Rheanyra poussa la princesse sous le choc à lâcher la chope, l’eau se renversa sur sa robe et mouilla ses jambes ainsi que le sol de la salle du trône. Par instinct de survie, Coryanne empoigna sa fourchette à deux mains pour s’en servir comme d’une lance afin de mettre de la distance entre elle et la suzeraine.

    Je ne sais pas, insista-t-elle avec une voix qui monta en volume et en autorité. J’étais petite à cette époque ! Mes idées et ma voix ne comptaient pas ! On ne me consultait pas ! Je sais juste que ma sœur n’aurait jamais pu faire de tels actes, elle a à coeur la vie de nos sujets au moins autant que moi !

    Elle se réservait à trois fourchettes de distance de la suzeraine. L’insulte la plus dure et la plus grave aux yeux de Coryanne arriva juste après, lorsque Rheanyra accusa les Martell d’avoir de faux principes. Personne ne tenait autant aux principes que la princesse qui venait de verser son premier sang. Profondément vexée, elle se défend bec et ongle.

    Aujourd’hui, mes idées sont écoutées ! Personne ne veut plus préserver la neutralité et la paix que moi. Par mon bâteau vide de tout son or, par mes préoccupations dirigées vers la vie et la santé de ma délégation, n’ai-je pas déjà prouvé encore et encore que la vie des miens m’importe plus que tous les trésors ou qu’un trône, dame Rheanyra ? J’ai goûté au sang et au fracas des armes, non pas contre le métal, mais contre la chair chaude et les os durs d’être-vivants, je peux vous assurer que je ne veux plus assister à ça.

    Elle termina de brandir sa fourchette comme une arme et se posa sur son siège en reprenant son souffle.

    Et c’était un honneur pour moi de conserver cette écaille, qui m’appartenait, avant que votre servante ne me la vole. Ma sœur n'apprécierait pas, mais elle m’a aussi dit qu’elle me laisserait choisir avec qui je veux être. Cela étant dit…

    Coryanne s’arrêta pour regarder son assiette.

    Je ne peux que vous demander de rendre cette écaille à votre fils, même si cela venait à me briser le cœur et à briser le sien. Pour garantir la neutralité et l’indépendance de Dorne, je ne pourrais jamais me résoudre à accepter cette écaille. Tant que vous serez engagée dans cette course pour le trône, tout du moins. Parlons-en d’ailleurs. Pourquoi revendiquez-vous le trône ? Je ne comprend pas vos motivations dame Rheanyra. Pourquoi vous engagez-vous dans des hostilités qui pourraient prendre la vie de vos enfants, de vos sujets, de ceux que vous aimez ? Ce n'est quand même pas juste par attrait du pouvoir et des richesses ? Cela serait affreux...

    Par cette remarque, Coryanne faisait preuve d’un remarquable manque d’ouverture d’esprit. Elle ne tenait pour vraie et meilleure que sa position, en considérant une autre position comme tyrannique, sadique et imbécile. De plus, elle témoignait de son ignorance de la politique.

    Au moins pour protéger vos enfants, vous devriez renoncer à vous battre.

    Coryanne était une pacifiste convaincue qui croyait que tout pouvait être résolu en parlant ou en se retirant. D’ailleurs, elle appliquait cette philosophie depuis toujours, ce qui la rendait énigmatique et taciturne. Pour éviter tous conflits, elle se contentait de ne pas se battre et de fuir.

    Si vous ne me croyez toujours pas, gardez-moi ici le temps d'envoyer une lettre à Volantis. Rhaenar Qhaegon confirma mes dires.

    Néanmoins, à mesure qu'elle parlait, Coryanne réfléchissait. Réfléchir était son mantra pour ainsi dire. Elle doutait de presque tout. Elle n'avait que rares positions sur lesquelles elle s'appuyait. Cette petite discussion, malgré qu'elle semblait affirmer les choses haut et fort, la menait encore à douter plus qu'avant. Et à se poser des questions sur elle-même.
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    Rhaenyra Targaryen
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    Un voyage périlleux
    Rhaenyra Targaryen & Coryanne Martell
     
    Coryanne parlait, montrait son appréciation pour Lucerys, et plus le temps passait moins Rhaenyra comprenait cette inclinaison. En fait, c'était inexact. Elle savait que le cœur était loin d'être rationnel. Elle en avait elle-même été témoin dans son histoire d'amour avec Daemon qui durait depuis sa naissance, sous différentes formes. Mais Daemon avait montré des signes concrets d'engagement envers elle. Lucerys et Coryanne ne s'étaient jamais vus, et pourtant il lui avait offert une écaille. Soit ce geste ne signifiait rien pour lui, soit au contraire, il signifiait tout. Dans les deux cas, la suzeraine aurait sans doute une discussion sérieuse à avoir avec lui à son retour, qu'elle espérait rapide. Elle écrirait dans ce sens à Daemon en tout cas.

    Tandis qu'elle mangeait et buvait enfin, Rhaenyra se détendit. Elle n'aurait pas voulu être accusée de mauvais traitements par dessus tout le reste ! Coryanne était une invitée prestigieuse, il ne fallait pas l'oublier.

    « Mon fils est en mission, malheureusement. Il ne pourra pas vous recevoir dans un futur proche. »

    Sur les accusations portées par Rhaenyra, le tempérament de la jeune fille sembla de nouveau s'enflammer. La suzeraine l'observa s'agiter et défendre avec force et honneur les décisions de sa sœur, sans toutefois se mouiller dans aucune. Avec un air doux, la Targaryen attendit qu'elle finisse sa diatribe enflammée, ravie de voir ce feu briller au fond de ses yeux, puis lui répondit, remettant certains événements en perspective sous la forme d'un conseil qu'elle aurait pu donner à un de ses enfants :

    « Si vous quittez vos terres en mission diplomatique princesse, et si vous avez le soutien de votre sœur pour négocier en son nom, alors vous devez être en mesure de répondre aux accusations qui vous seraient faites. Parce qu'ici et maintenant, en l'absence d'Aliandra Martell, vous êtes Dorne. »

    Cependant, Rhaenyra devait avouer que Coryanne avait sans doute marqué un point assez juste : elle semblait mettre de la valeur sur la vie de ses proches, plus que sur une quelconque somme d'argent ou de marché commercial.  Un trait que la suzeraine mit sur le compte de la jeunesse. Mais elle se reconnut, car elle-même ferait n'importe quoi pour sa famille.

    « Fort heureusement pour vous, je n'attends pas de réponse de votre part. »

    Il était maintenant évident qu'elle n'était sans doute pas un agent spécial en mission mais une jeune fille paniquée qui venait à peine de vivre la première rencontre avec le cruel monde que la Targaryen côtoyait depuis de longues années maintenant.

    « Vous avez raison, princesse Coryanne. Tout indique que vous tenez à vos proches et sans doute à votre peuple aussi. »

    Sur le sujet de l'écaille, les explications de Rhaenyra semblaient avoir touché la jeune fille. La réponse de la Martell lui permit de s'approcher d'elle et de poser la petite écaille sur la table, près du verre et de l'assiette qu'elle était en train de vider. Si elle avait compris l'importance de l'objet, alors l'objectif était atteint.

    « Gardez-la, pour le moment. Vous n'avez pas de raison de vous cacher ici. »

    Contrairement sans doute à Lancehélion. Les questions inquisitrices de la jeune Martell firent sourire Rhaenyra, qui vit la curiosité arriver avec la délicatesse d'un dragon qui atterrit sur le sol.

    « Je ne cherche qu'à récupérer ce qui m'a été volé. Un Targaryen doit siéger sur le Trône de Fer, mais pas un gamin à peine sorti de l'enfance manipulé par ses conseillers. »

    La mention de ses enfants la fit tiquer, et ce fut un regard intense qu'elle fixa aux prunelles de la dornienne :

    « Que pensez-vous qu'il adviendra de mes enfants, dame Coryanne, si je ne me bats pas ? On a déjà essayé de leur porter atteinte, je ne tolèrerai aucun autre essai. C'est pour eux que je fais ce que je fais. »

    La tentative de Rhaenys de faire pression sur elle en déshéritant ses enfants de leur patronyme Targaryen et de leur héritage valyrien n'avait jamais été digéré par Rhaenya qui avait vu en cela une véritable trahison du nom de son père et de son souvenir. Plus jamais elle ne se mettrait dans une telle position de faiblesse, ni elle, ni ses enfants.

    Quand elle mentionna Volantis, Rhaenyra sut que c'était là qu'elle devait se rendre en négociations. Avec calme, elle prit une chaise et s'assit près de la jeune fille. Après un moment de silence, elle reprit :

    « Voici ce que je vous propose. Vous allez rester ici quelques temps pour vous reposer, vous et votre équipage, en tant qu'invités. Vous pourrez découvrir les Degrés de Pierre et discuter avec Lucerys lorsqu'il reviendra. Prenez le temps de faire connaissance avec notre héritage et sa valeur, informations que je sais que mon fils vous donnera avec enthousiasme. Je vais également prévenir votre sœur, il ne faudrait pas qu'elle s'inquiète. Nous réévaluerons vos options le temps venu. »




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    L’explication donnée par Rheanyra aux questions de la princesse penchait dans ce sens. Nul ne fait le mal volontairement était une citation d’un penseur que Coryanne avait lu par le passé. Grossièrement, cela se résume par tout le monde agit dans son propre intérêt. Bien sûr, pour Coryanne, cela sonne comme un raisonnement fallacieux qui sert à se donner bonne conscience. Agir dans son propre intérêt, même s’il est naturel et raisonnable de le faire, ne reste pas moins moralement discutable. La princesse, dû à son rang, pense qu’il faut agir dans l’intérêt commun, celui du plus grand nombre. Coryanne n’était pas du tout convaincue par les réponses de Rheanyra, lui offrant une moue désapprobatrice à chacun des mots de la suzeraine. Coryanne pensait : “En voilà une philosophie bien égoïste.”

    La Dornienne accepta de garder l’écaille sur elle, la rangeant dans une poche de ses vêtements prêtés par la noble dragonne.

    Rheanyra termina la discussion en proposant à Coryanne de prolonger son séjour pour apprendre à connaître les lieux. Cette dernière savait avec lucidité, malgré les événements, qu’il ne s’agissait pas d’une proposition. C’était une obligation de rester maquillée derrière des fausses bonnes intentions. Il ne s’agissait nullement de se reposer ou d’apprendre à se connaître, mais plutôt de la garder enfermée au château. Il était vrai que Coryanne avait envie de rencontrer Lucerys, mais la princesse avait des devoirs auxquels elle ne pouvait pas se soustraire. Elle devait retourner chez elle le plus vite possible.

    - C’est une suggestion intéressante, mais je crains que mes vassaux ne voient pas les choses sous le même angle que vous.

    Prévint Coryanne, sans se montrer menaçante envers son hôte, mais avec tous les sous-entendus que cela comportait. La princesse ne luttait pas contre les décisions de Rheanyra, elle ne faisait que prévenir celle-ci que de telles décisions auraient probablement des répercussions négatives pour tout le monde.

    La princesse s’en alla ensuite dans sa chambre, accompagnée par un garde et une dame de compagnie de la suite de la suzeraine.

    Coryanne accepta d’attendre trois jours, très docilement, au château. Elle visita les lieux qu’on lui recommanda, parla aux gens qui voulaient la rencontrer, passa l’après-midi dans les dortoirs pour voir ses hommes. Elle s'occupait à Sang Dragon dans les limites qu’on lui imposait.
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