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    Chronicles of Fire and Steel est une uchronie basée sur les ouvrages de George R. R. Martin. Actuellement, nous sommes en An 132, lune 4, 1ère moitié de la lune et notre zone de jeu s'étend de Westeros à Essos. Le forum est interdit aux moins de 16 ans. Dans le staff, vous trouverez trois administrateurs : Aelix, Rhaenyra et Baela. Pour les accompagner, une équipe de choc avec deux modérateurs : Mysaria et Daemon; ainsi qu'une animatrice : Rhaenar. [Staff]
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    Le Deuxième Orage
    Maris Baratheon
    Maris Baratheon
    Le Deuxième Orage
    Memento mori | ft. Jaegar Targaryen Da7a4146d5916a8679f4dcfcd8c6c441f0c137a4
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    Memento mori


    C’était comme si la calèche elle-même refusait la destination. Depuis qu’ils avaient quitté les Bronzes, au petit matin, les roues ne cessaient de s’embourber dans la moindre flaque, forçant les valets à s’agiter, désespérés de provoquer l’impatience redoutable de Lord Baratheon. Depuis la fenêtre obstruée par un épais rideau de velours, Maris les entendait pester contre les pluies abondantes, maudire ce printemps qui n’en était pas un, et s’inquiéter de l’état de la Wend après les orages de la veille.

    Aujourd’hui encore, le jour était lourd, le ciel d'un gris oppressant, et l’humidité se glissait, sournoise, jusqu’aux occupantes mutiques. Le silence à l'intérieur de l’habitacle était insupportable, seulement ponctué par le bruit lointain des sabots frappant la terre humide. Personne n'osait parler, de peur qu'un mot ne brise la fragile emprise qu’elles avaient sur leur chagrin. Chacune regardait au loin, plongée dans ses pensées, incapable de fuir cette tristesse qui les environnait.

    Les doutes des domestiques étaient fondés : le fleuve était sorti de son lit et avait emporté avec lui un morceau du pont de la Route du Roi ; trouver le plus proche, plus en aval, reviendrait à perdre plus d’une demi-journée de voyage.
    La décision fut donc prise : il fallait traverser.

    Sur les rebords boueux, paysans, marchands et voyageurs itinérants s’entassaient avec leurs provisions et leurs troupeaux. Les plus respectueux se décoiffèrent au passage de la procession. Les autres les alpaguaient en quête de réponses : quand le pont serait-il reconstruit ? Une inondation avait eu lieu dans un bourg non loin d’ici, allait-on envoyer des soldats à leur secours ? Comment traverser, maintenant que le pont principal était effondré ?
    Maris promena sur eux un regard méprisant. Pour eux, la mort de la Reine, de son fils, d’Ellyn et de son bébé ne signifiait rien. La vie s’écoulait, cruelle et pressante. À quoi bon s’attarder sur des morts qui ne changeaient rien à leur quotidien ?

    La fin de leur voyage jusqu’à Port-Réal fut plus que laborieux et ce fut sous un soleil timide, à la fin de l’après-midi du quatorzième jour de trajet, que la maison Baratheon franchit les portes du Donjon-Rouge.

    Maris s’étonna des appartements qui lui furent prêtés. La dernière fois qu’elles étaient venues, pour le mariage d’Ellyn, Cassandra, Floris et elle avaient été placées dans la même chambre. Ce n’était pas le cas aujourd’hui. Le lit et la coiffeuse était unique dans cette vaste pièce où voletait un voilage, poussé par les lointains embruns.
    Cette solitude inattendue la troublait. Elle qui, d’ordinaire, cherchait plus à fuir ses soeurs qu’à rechercher leur compagnie, se trouva confuse de ne pas les savoir à côté d’elle. C’était stupide, bien sûr. Elle était bien assez grande pour passer quelques nuits loin de cette idiote de Cassandra et de cette niaise de Floris.

    Un “toc-toc” clair à sa porte l’interrompit alors qu’elle sortait les affaires de sa malle.

    “C’est Cass. Ouvre-moi !”

    Avec un soupir excédé, elle actionna uniquement la poignée de sorte à ce que son aînée dut elle-même pousser la porte pour se glisser dans les appartements. Maris retourna à sa malle alors que Cassandra s’aventurait dans la chambre.

    “Tu aurais pu m’inviter convenablement, quand même,” remarqua-t-elle.

    “Tu ne pouvais pas te passer de moi, n’est-ce pas ?” ironisa Maris. “Il fallait que tu viennes m’envahir ? D’ailleurs, tu as une tête horrible.”

    Il eut pu pleuvoir des torrents de chagrin, de fatigue et d’amertume sur le visage de Cassandra, elle n’aurait jamais été hideuse. Sur sa peau pâle, auréolée de ses longs cheveux sombres, l’affliction avait des allures de peintures romantiques.

    Un tambourinement interrompit la conversation. Maris sut avant que cette nouvelle invitée ne prenne la parole de qui il s’agissait.

    “Je vous ai entendues parler ! Allez, laissez-moi entrer !” se plaignit Floris sans cesser de heurter la porte.

    Cassandra et Maris se jetèrent un regard las avant de rouler des yeux.

    “Ce n’est pas trop tôt,” rouspéta la benjamine tandis que leur aînée l’invitait à l’intérieur.

    Cassandra lança une œillade à Maris, l’air de dire “Tu vois ? C’est comme ça qu’on fait”, mais la puinée fit mine de l’ignorer.

    “Pourquoi ta chambre est plus grande que la mienne ?” rala Floris en s’asseyant sur le lit.

    Maris ne répondit rien. Elle disposa soigneusement sur sa coiffeuse ses affaires de toilettes. D’ordinaire, une domestique s’en serait chargée, mais la jeune femme avait exigé qu’on la laisse tranquille - un souhait que ses soeurs ne tenaient pas tant à respecter -.
    Dans une pochette de velours de laine, elle avait piqué la plupart de ses épingles à chignon. Des pièces magnifiques, ornées de pierres allant de la turquoise au rubis en passant par l’onyx. Au fond d’elle, elle espérait que ses bijoux brillaient assez fort pour éclipser la disgrâce de son visage.
    Ses sourcils se froncèrent lorsqu’elle remarqua une épingle plus petite, torsadée à la pointe et décorée de fins fils d’or pendants ornés de perles.

    “C’est une nouvelle épingle ?” demanda Cassandra.

    Curieuse, elle s’était penchée par-dessus son épaule.

    “Non. C’est à Ellyn.”

    De prononcer son prénom à voix haute appesantit sa poitrine du poids de mille tourments. Sa bouche se pinça. “Calme-toi,” s’ordonna-t-elle rudement. Elle se rappelait encore du moment où sa cadette la lui avait offerte. “Les perles te vont mieux qu’à moi,” avait-elle prétexté. Bien qu’Ellyn lui eut offert avec toute l’affection possible, Maris n’avait pu s’empêcher de penser qu’elle s’en débarrassait parce qu’elle la trouvait moins jolie que ses nouvelles pièces. Désormais qu’elle la regardait mieux, elle lui trouvait une beauté discrète, une finesse qui lui avait échappées jusque là.

    “Pourquoi serait-ce toi qui l’aurais ?” s’énerva Floris. “Tu l’as volée, pas vrai ?!”

    Furieuse, Maris se retourna vivement pour faire face à sa cadette.

    Mais avant qu’elle eut pu dire quoique ce soit, les ongles de Floris s’accrochèrent à l’épingle pour l’arracher de ses mains.

    Un déluge de perles heurta le marbre du sol, précédé par le tintement métallique du bijou. Les gouttes nacrées rebondirent avant de s’éparpiller aux quatre coins de la chambre. Maris observa, muette, l’épingle qui gisait là comme un corps tordu.

    “Floris !” gronda Cassandra.

    “Je ne l’ai pas fait exprès !” s’écria Floris d’une voix tremblante.

    Maris leva vers elle un regard mauvais.

    “Non, bien sûr que non, toi, tu ne fais jamais rien exprès ! Il suffit d’une excuse, d’un joli sourire et tout est oublié, pas vrai ?!”

    La benjamine ouvrit la bouche pour protester, rouge de honte et de colère, mais Maris la coupa :

    “Le résultat est là, tu as cassé l’épingle d’Ellyn.”

    D’entendre le prénom de leur soeur à nouveau fit éclater Floris en larmes.

    “Quel carnage,” constata la jeune femme. “J’aurais préféré que vous me laissiez tranquille !”

    Elle attrapa son étole noire laissée sur sa coiffeuse et s’enfuit à grandes enjambées vers le couloir. Sous ses pieds, elle pouvait sentir la rondeur des perles cassées.

    “Maris ! Maris, reviens !” l’appelait Cassandra. “Où est-ce que tu vas ? La nuit va tomber !”

    Dehors, la fraîcheur de l’après-midi avait été remplacée par la tiédeur de la soirée. Le timide soleil reprenait des couleurs et inondait les jardins d’une douce lumière orangée.

    Arrivée aux portes de la forteresse, elle fut rattrapée par deux hommes de son père. L’un était immense et l’autre aussi petit que son comparse était grand. Tous les deux étaient dans leur trentaine bien entamée.

    “Lady Maris, vous ne pouvez pas sortir ainsi. Si votre père…”

    “Mon père est occupé. C’est de moi que vous devriez avoir peur, tout de suite.”

    Les deux soldats échangèrent un regard embarrassé.

    “Accompagnez-moi.”

    L’ordre donné, elle enfila l’étole sur ses épaules et sortit. Si les deux hommes tentèrent de la dissuader, elle les ignora superbement en se dirigeant vers la rue commerçante qu’ils avaient traversée en arrivant au Donjon Rouge.

    Malgré l’heure tardive, la rue était une incessante vague de bruits et de mouvements. Une véritable marée humaine qui déferlait le long des étals débordant de marchandises. Les cris des commerçants se mêlaient au vacarme des charrettes roulant sur les pavés. Les fruits brillaient sous le soleil couchant, empilés en pyramides, éclatants de couleurs, tandis que les poissonniers écaillaient leurs prises fraîches, l'odeur de la mer flottant dans l'air. Les femmes, lourdement chargées de paniers, se frayaient un chemin parmi les badauds, et les enfants couraient entre les jambes des passants, ajoutant au tumulte joyeux de la rue commerçante.

    Elle déambula un instant, son regard passant de vitrine en vitrine, espérant trouver de quoi se calmer dans les étoles légères et les dentelles exotiques. Mais rien n’y faisait. Les mots de Floris, la mort d’Ellyn et le futur incertain tournaient dans sa tête comme une incessante et douloureuse rengaine.

    Maris finit par jeter son dévolu sur une petite boutique de bijoux étroite où s’attardaient encore quelques dames.
    La magasin était un enchantement de délicatesse et de brillance. Sur les étagères en bois poli, s'alignaient des boucles d'oreilles de perles fines, des chaînes d'or luisantes, et des bagues serties de pierres multicolores. La propriétaire, une femme discrète, tendait doucement les bijoux, comme si chaque pièce contenait une part de rêve et de promesse d’élégance. Des petits miroirs enchâssés permettaient de s’admirer, de s’assurer que le bijoux allait et ne jurait pas avec le teint.
    Maris croisa son reflet par inadvertance. “Je ressemble à un navet,” constata-t-elle, acide. Contrairement à Cassandra, le deuil ne lui donnait pas des airs d’héroïne troublée. Ses cheveux d’un châtain triste, tirés en arrière, faisait ressortir la grandeur de ses oreilles et l’étroitesse de son visage pointu.

    Elle s’arracha à cette contemplation navrante pour jeter un oeil aux deux gardes qui patientaient, dehors, entre angoisse d’être découvert par Lord Baratheon, et excitation d’être enfin en-dehors de cette forteresse funeste qui suintait la mort.

    Comme les paysans sur la Route du Roi, ils ne semblaient pas non plus s’émouvoir de la mort d’une partie de la famille royale.



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    Jaegar Targaryen
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    Memento Mori

    Ne supportant plus d'être enfermé au milieu de fausses condoléances pour sa perte dans ce qu'il juge être une prison dorée, Jaegar décide de partir discrètement faire un tour en ville afin de trouver, il l'espère un moment de paix…  --  feat.  @Maris Baratheon



    Depuis ma fenêtre surplombant le jardin intérieur du Donjon Rouge, je regardais la lumière déclinante baigner la ville d’une lueur orangée. La tranquillité apparente des lieux contrastait violemment avec le tumulte intérieur que je ressentais depuis mon retour. Depuis que j'avais chevauché Meleys pour revenir à Port-Réal, tout n'était que mouvement autour de moi : les nobles arrivaient en procession, portant des regards hypocrites et murmurant des condoléances vides. Ils me disaient tous qu'ils pleuraient mes pertes, mais je savais que, dans leurs cœurs, ils pensaient déjà aux jeux politiques, aux alliances à forger ou à défaire dans les jours à venir. Ce n’était qu’un masque, un théâtre désolant, et je n’en pouvais plus.

    Je passai la main sur le rebord froid de la fenêtre, le regard perdu dans le lointain. Je distinguai la grande rue commerçante, où la vie semblait continuer sans se soucier du drame qui m'avait frappé. La ville se mouvait comme si rien n'avait changé. Comment osaient-ils ? Comment pouvaient-ils continuer à rire, à marchander, alors que ma famille avait été déchirée ? Sans doute aurais-je pu me poser ces questions mais, dans un sens je me sentais soulagé. Il était normal pour un peuple de continuer de vivre malgré la perte, sans doute était-ce ce que je devais faire.

    Les obsèques devaient se tenir quelques jours plus tard mais, mon cœur comme mon esprit se perdaient à mesure que le temps coulait. Arriverais-je un jour à trouver à trouver la symphonie de ma vie quand chaque notes qui la composé sonnaient si fausses ? Pourquoi n’avais-je plus la force de réfléchir et d’y voir à nouveau clair ? Était-ce cela le deuil ? Pour la première fois depuis la perte de ma famille, je sentais que je n’avais plus la force d’encaisser encore l’entente de condoléances.

    Tant de questions sans réponses qui n’apportèrent à l’atmosphère du Donjon qu’un sensation écrasante, presque irrespirable. Je devais fuir, au moins pour quelques heures, avant que tout cela ne m’écrase complètement. Je savais qu'il serait mal vu pour un roi de disparaître ainsi, mais en ce moment, je n’étais qu’un jeune homme accablé par le chagrin et le poids des regards. Et ici, dans cette cage dorée, je ne trouvais ni répit ni réconfort.

    Je décidai alors de quitter le Donjon Rouge, incognito, de m’échapper sans attirer l'attention. Un simple manteau sombre, une capuche rabattu sur mes cheveux châtains, suffirait pour me fondre dans la foule de Port-Réal. Personne ne me reconnaîtrait ainsi, pas dans la ville basse, loin de la noblesse et de leurs regards perçants. Ce besoin de liberté, de marcher sans être vu, sans être jugé, était devenu impérieux.

    Je sortis discrètement, évitant les gardes du palais, profitant des passages peu fréquentés. Le Donjon s’éloignait derrière moi, et à chaque pas, le poids sur mes épaules semblait s’alléger un peu. La ville, avec ses rues tortueuses et ses odeurs familières, s’ouvrait devant moi comme une promesse d’oubli, d’évasion. Le bruit des marchands, les cris des enfants, tout cela me paraissait étrangement apaisant, vivant. Je voulais sentir le vrai monde, celui qui se mouvait au-delà des murailles du pouvoir, celui que je ne comprenais que trop peu depuis ma naissance.

    Je n’avais aucune destination précise en tête, juste ce désir simple de marcher, de laisser mes pensées s’éloigner des souvenirs douloureux et des obligations royales. Pour un moment, je n’étais plus le roi, simplement un jeune homme perdu parmi la foule, à la recherche de sens, ou peut-être juste d’un peu de paix.


    Je continuai de marcher, m’enfonçant un peu plus dans les ruelles basses, là où les pavés devenaient plus irréguliers et où les ombres s’allongeaient sous les lanternes vacillantes. Les cris des marchands s’étaient estompés derrière moi, remplacés par le murmure discret des conversations dans les tavernes et les maisons serrées les unes contre les autres. Ici, je me sentais loin de tout, loin des regards scrutateurs, loin des complots et des jeux de pouvoir.

    Alors que je me dirigeais sans véritable but, une boutique attira mon regard. Une petite échoppe de bijoux, discrète mais illuminée d'une lueur douce qui semblait se détacher du reste de la rue. C'était un lieu qui dégageait une certaine tranquillité, comme une pause dans le brouhaha de la ville. Je ralentis mes pas, intrigué, et laissai mes yeux se promener sur les bijoux délicats exposés derrière la vitre. Il y avait des colliers d’or, des broches serties de pierres précieuses, et des épingles à cheveux ornées de perles. Une de ces épingles me rappela celle que ma mère portait parfois lors des grandes cérémonies, et pendant un instant, la douleur de son absence s’éveilla à nouveau en moi, vive et mordante.

    Dans un sursaut d’orgueil inconscient, je me surpris à entrer dans la boutique, submergé pendant quelques secondes par la beauté du bijou exposé. Je ne prêtai qu’une attention brève aux deux gardes présents à l'extérieur. Une fois à l'intérieur, je saluai les personnes présentes d’un simple signe de tête, avant de poser mon regard sur le bijou. Puis, par réflexe, je baissai un peu plus ma capuche en direction de la commerçante, qui semblait s'occuper d'une noble.

    Les armoiries des deux soldats présents pour sa protection ne laissaient aucun doute : une Baratheon. Sans doute une délégation arrivée juste avant mon escapade. Je restai donc en retrait, attendant patiemment mon tour, ne voulant surtout pas passer pour un voleur… Il ne manquerait plus que cela pour attirer sur moi une attention que je cherchais précisément à éviter.


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    Le Deuxième Orage
    Maris Baratheon
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    1 - 25 : La commerçante reconnaît immédiatement le Roi
    26 - 50 : Maris reconnaît immédiatement le Roi
    51 - 75 : La commerçante prend le Roi pour un voleur ; les soldats Baratheon interviennent, mais Maris reconnaît le Roi
    75 - 100 : La commerçante prend le Roi pour un voleur ; les soldats Baratheon interviennent. Maris ne reconnaît pas le Roi
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    Memento mori


    Ses pensées demeuraient enchaînées à l'image d'Ellyn, Ellyn qui s’acharnait à occuper le moindre recoin de son esprit. À chaque bijou aperçu, qu’il s’agisse d’une bague délicate, d’un bracelet méticuleusement ouvragé ou d’un collier scintillant, Maris s’égarait dans un flot incessant de souvenirs et de regrets. “Cette broche... Ah ! Comme elle lui aurait plu… Celle-ci, toutefois…” murmurait-elle intérieurement. Puis soudain, un autre objet capturait son attention. “Ces boucles d'oreilles... J’aurais pu les lui offrir…” Et encore, la vision d’un diadème étincelant surgissait. “N’en a-t-elle pas déjà un semblable ?” Ces pensées, douloureuses et incontrôlables, déferlaient en elle avec une force implacable, l’enveloppant d’une mélancolie qu’elle ne parvenait pas à repousser, malgré ses vaines tentatives de résister à cette marée intérieure.

    Et malgré la finesse des bijoux, elle ne pouvait s’empêcher de les trouver parfaitement fades et terriblement insipides. Ses pensées la ramenaient sans cesse vers cette épingle tordue, rejouant la mélodie sinistre du torrent de perles sur le marbre. Lorsque sa cadette la portrait, autrefois, elle l’avait à peine remarquée. Désormais qu’il était détruit, rien ne lui semblait plus beau que cet ultime présent offert discrètement par sa sœur.
    Une vive colère étouffa momentanément son chagrin lorsqu’elle se rappela le regard ahuri de Floris et ses accusations honteuses. Tout son visage se renfrogna, se pinça, se tordit, comme un linge livide que l’on aurait trop essoré.

    Elle finit par apercevoir, un peu plus loin, une épingle décorée de petites billes de nacre. “Elle n’est pas aussi jolie,” constata-t-elle avec amertume, mais lorsqu’une silhouette encapuchonnée apparut devant elle, visiblement intéressée par le bijou, Maris s’enflamma du désir immédiat de l’acheter. “Oh non !” s’exaspéra-t-elle en s’imaginant déjà l’épingle dans les mains d’une autre personne. “Que les Sept fassent qu’elle la repose vite et je m’en saisirais.” Déjà, elle s’imaginait la récupérer à peine aurait-elle effleuré le présentoir. Puis, plutôt que de compter sur les Dieux, Maris songea à faire valoir son statut. Sûrement que si elle s’imposait comme Maris Baratheon, on lui laisserait la broche.

    Elle s’apprêtait à se faire connaître quand, manifestement, les Sept entendirent ses prières muettes.
    La commerçante - qui s’était rapprochée de la sortie - pointa furtivement du doigt la noble cachée sous sa capuche. Les deux soldats Baratheon pénétrèrent dans la délicate boutique comme deux sangliers chez un céramiste. Leurs épées tintaient contre toutes les étagères et frôlaient des coupelles remplies de billes de verre colorées. Aux échos métalliques de leurs armures répondirent un brouhaha de murmures tantôt inquiets, tantôt courroucés de voir pareil remue-ménage.

    L’un des soldats - le plus grand - posa une sa main sur l’épaule de la femme encapuchonnée.

    “Ma dam- euh… Vous là.”

    La perplexité dans le ton de la voix de l’homme poussa Maris à se rapprocher.

    “Que se passe-t-il ?” s’enquit-elle en se postant à côté de l’autre soldat - le plus petit -.

    L’intervention des gardes commençait à provoquer une agitation certaine chez les clientes. La propriétaire intervint d’une voix douce pour rassurer les dames et s’excusant platement pour le dérangement.

    “On nous a dit qu’elle piquait sûrement sur les étals,” expliqua le plus grand. “Enfin elle... Regardez-moi cette trogne.”

    Il poussa vaguement la capuche de la prétendue voleuse pour dévoiler un front châtain et un regard bleu étrange. Son visage était juvénile, fin, presque trop mince. Son corps chétif flottait dans son manteau trop grand, comme une planche de bois qui se serait perdue dans le vaste océan.
    Et ce n’était pas une femme, mais un garçon. Ce n’était pas un voleur non plus.
    Maris écarquilla les yeux.

    “Allez le filou de bas-étage,” fanfaronna la grande tige en tirant le garçon par le bras vers l’extérieur. “On va te fouiller dehors pour ne pas déranger les honnêtes gens. Après, on te remettra au Guet pour voir ce qu’ils vont faire de toi. Tu sais, Dondarrion, c’est pas un tendre.”

    Ils sortirent, couvés par les regards satisfaits des dépensières. Mieux valait être un peu bousculée que d’avoir ses poches vidées par un malotru.

    “Bon, alors, qu’est-ce que tu as dans tes poch-” commença le plus petit des deux hommes tandis que le plus grand maintenait le garçon en place.

    “Arrêtez !” siffla tout bas Maris.

    Elle interrompit la fouille d’une main autoritaire posée sur l’avant-bras du garde.

    “Mon père est-il entouré d’abrutis ?!” pesta-t-elle. “Car il faut en être un pour ne pas reconnaître le futur Roi !”

    Sa voix avait commencé à s’élever, mais elle se força à chuchoter les derniers mots. Ainsi accoutré, seul, il fallait être sot pour ne pas comprendre que le futur souverain souhaitait opérer en toute discrétion. De hurler que le Roi était là attirerait certainement la foule et avec elle la frustration du Targaryen ; et Maris n’était pas encore assez idiote pour s’attirer les foudres du jeune dragon.  
    Bien qu’elle doutait que ses foudres aient un quelconque panache. Elle l’avait assez observé, lors du mariage d’Ellyn, pour se rendre compte de la banalité de son physique et de l’insignifiance de sa personnalité. Un garçon oubliable qui n’avait pour lui que le nom illustre de ses aïeuls. Un garçon oubliable qui s’apprêtait à régner sur Westeros après la mort de son frère, d’Ellyn et de leur bébé.

    Abasourdis, les deux soldats précipitèrent leur genou à terre en clamant mille excuses après avoir eu l’audace de demander à Maris si elle était certaine de son affirmation.

    “Je vous prie de pardonner nos hommes,” persifla la jeune femme en jettant un regard dédaigneux sur les soldats à l’échine courbée. “Leurs mères les ont certainement bercés trop près du mur.”

    Le venin versé, elle se baissa en une révérence modeste.

    “Lady Maris Baratheon,” se présenta-t-elle. “Nous nous sommes vus au mariage de votre frère et de ma soeur.”

    L’insondable tristesse de la jeune femme se camouflait derrière un ton brusque propre aux personnes qui préfère paraître désagréables plutôt que malheureuses.
    L’évocation de l’événement réveilla les sentiments qu’elle avait éprouvés à cet instant précis. La jalousie dévorante. Le souhait ardent d’être à la place de sa sœur. Les insécurités vicieuses qui lui susurraient qu’elle ne serait jamais assez bien.
    Elle ne s’était pas rendue compte, à l’époque, que tout allait bien. Ellyn était en vie. Son père était d’une humeur excellente. La place des Baratheon, assurée.
    Comme l’épingle, désormais que ce bonheur lui était inatteignable, le souvenir lui apparaissait encore plus douloureux, encore plus injuste.

    “Ne restons pas ici.” Sa proposition avait des allures d’ordre. “Les rues de Port-Réal sont certainement aussi sûres que celles de Sombreval. Nous devrions rentrer au Donjon Rouge.”

    Elle oubliait les fausses allures avenantes qu’elle réservait aux inconnus et aux puissants pour endormir leur suspicion. Il lui suffisait d’être piquée pour révéler ses travers ; et son chagrin ne la piquait pas, il la dévorait.



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    Jaegar Targaryen
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    Memento Mori

    Ne supportant plus d'être enfermé au milieu de fausses condoléances pour sa perte dans ce qu'il juge être une prison dorée, Jaegar décide de partir discrètement faire un tour en ville afin de trouver, il l'espère un moment de paix…  --  feat.  @Maris Baratheon



    Les soldats m'avaient attrapé avant que je ne puisse réagir, me tirant brusquement hors de la boutique. Leur poigne était ferme, presque brutale. Je vis dans leurs yeux le choc lorsque ma capuche tomba, révélant mon visage. Ils étaient paralysés par la panique de m'avoir confondu avec un voleur. Un roi, incognito, dans les rues de Port-Réal, pris pour un simple malandrin. L’ironie était presque risible.

    Avant que je puisse parler, une voix tranchante brisa l’air. Immédiatement, ils relâchèrent leur prise. Je me redressai, réajustant ma cape, observant la scène qui se déroulait devant moi avec un certain détachement. Les gardes, réalisant leur méprise, s’étaient agenouillés à mes pieds, balbutiant des excuses maladroites. Maris Baratheon se tenait là, impassible, mais je pouvais sentir la tempête qui grondait en elle. Je ne l’avais pas reconnue au premier abord, mais, dorénavant, il n’y avait plus de doute.

    Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement en la voyant ainsi s’adresser à ses propres gardes. Elle avait toujours eu ce talent inné pour écraser les gens de son autorité naturelle, sans même avoir à élever la voix. Mais malgré la situation embarrassante, je sentais que cette scène la dérangeait. Il y avait autre chose dans ses yeux, une ombre plus sombre, une tristesse mal dissimulée.

    Je réprimai un rire à la remarque de la Baratheon sur ses soldats, mais mon visage resta impassible. La situation aurait pu être comique si elle n'était pas si désastreuse. Mon regard se posa brièvement sur Maris. Elle était là, droite, impassible, mais je sentais qu’il y avait en elle une tempête. Une colère contenue, une douleur cachée. Elle semblait vouloir me protéger, mais il y avait plus que cela. Ce même voile sombre de tristesse qui planait dans son regard était aussi en moi, et pour la première fois depuis mon retour, je sentis que quelqu’un comprenait.


    « Il n’y a pas de mal. Ils n’ont fait que leur travail et plus que bien. C’est à moi de m’excuser de vous avoir forcé à intervenir. » déclarai-je avant de faire signe aux soldats de se relever dans un sourire bienveillant.

    Maris se redressa, ses gestes étaient mesurés, tout comme sa voix lorsqu’elle prit la parole. Ses mots me ramenèrent brusquement au souvenir du mariage de mon frère avec sa sœur Ellyn. La belle Ellyn, ma belle-sœur, désormais partie, tout comme mon frère et leur enfant. Ce mariage, autrefois symbole de nouvelles alliances et d'espoir pour nos familles, n'était plus qu'un triste écho du passé. Tout s'était effondré avec l'explosion de Sombreval. Je sentis un nœud se former dans ma gorge, mais je réussis à répondre d'une voix douce, presque brisée.

    « Je me souviens, oui. »

    Les mots sortaient comme une évidence, lourds de sens et de douleur. Il n'y avait rien d'autre à ajouter. Ce deuil partagé était là, entre nous, une présence invisible, mais omniprésente.

    Maris proposa de rentrer. Sa suggestion était sensée, raisonnable même, mais quelque chose en moi s’y refusait. La simple comparaison avec Sombreval résonna dans mon esprit comme un coup de tonnerre. La colère et le chagrin s’entrechoquèrent en moi, mais elle avait raison. Les rues n’étaient pas sûres, et encore moins pour un roi qui tentait d’échapper à ses responsabilités.

    Mais quelque chose en moi refusait de rentrer. Je n’étais pas prêt à faire face à tout cela. Pas encore. Le poids du trône, des obligations, des regards... C'était écrasant. J'avais besoin d'air, de temps. Ici, dans les rues de Port-Réal, sous la capuche d’un simple inconnu, je pouvais respirer, échapper à la cage dorée qui m’étouffait. J'avais besoin d'air, de liberté, même si ce n’était que pour quelques heures.

    « Pas encore, » dis-je doucement en m'arrêtant. Je levai les yeux vers le Donjon Rouge, puis vers Maris. « Je ne peux pas rentrer tout de suite, » répétai-je plus fermement, mes mots résonnant dans le silence de la rue. « J’ai besoin d’un peu plus de temps. »

    Je savais que mes paroles ne lui plairaient sans doute pas. Elle avait raison sur bien des choses : les rues de Port-Réal n’étaient pas sûres, et mon absence prolongée serait remarquée. Mais je ne pouvais pas rentrer. Pas encore. Pas maintenant.

    Je lui adressai un léger sourire en guise de remerciement, puis je me tournai à nouveau vers la ville, observant les ruelles sombres qui s’étendaient devant moi. Port-Réal, en cet instant, me paraissait presque accueillante, comme une mer de possibilités où je pouvais, pour quelques heures, me perdre sans devoir porter le poids du trône.

    Je fis quelques pas en avant, puis m'arrêtai. Il y avait des choses que nous devions encore dire, des discussions que nous devions avoir, mais pas ici, pas maintenant. Le moment viendrait. Ou peut-être pas.

    Sans me retourner, je continuai à marcher, m’éloignant un peu plus des lourdes portes du Donjon Rouge, me perdant dans la foule de Port-Réal.


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    Le Deuxième Orage
    Maris Baratheon
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    Memento mori


    Un sourire aimable dévoila les dents du futur Roi de Westeros. Désormais que sa capuche était renversé sur ses épaules, Maris put mieux l’observer.
    Elle savait que Jaegar avait à peu près l’âge de Floris. Pourtant, il réussissait l’exploit de faire plus jeune et plus vieux à la fois. Son corps frêle, mince, était celui d’un tout jeune adolescent, tandis que son visage trahissait une âme âgée, de celle plus habituée à la poussière des bibliothèques qu’à celle des arènes d’entraînement. Ses traits sans éclat, ni disgracieux, ni particulièrement beaux, étaient encadrés d’étonnant cheveux châtains qui tombaient mollement sur ses épaules. Ses yeux, d’un bleu étrange, étaient peut-être la seule chose qui aurait pu trahir son ascendance royale. “Certains le disent bâtard,” se souvint-elle. Les rumeurs de la cour lui revenaient en tête comme de méchants murmures. Il était vrai que le garçon ressemblait plus à un Andal qu’à un valyrien ou un Essosi.

    Il parlait d’une voix sans passion, exprimant une douceur qui, loin d’inspirer la force ou l’autorité, évoquait la tiédeur de ceux qui suivent les courants sans jamais chercher à les contrarier. S'il était né dans l’anonymat, il aurait probablement traversé l’existence comme une ombre douce et sans bruit, mais le destin, capricieux et inattendu, en avait fait le futur dirigeant de Westeros. Il n’avait ni le regard d’acier d’un conquérant, ni l’allure fière d’un roi en devenir. Au contraire, une certaine résignation empreignait son port de tête, une habitude d’obéissance que même la couronne promise ne semblait pouvoir effacer. Gentil, certes, il l’était. Il lui offrait même un sourire timide en lui disant qu’il se rappelait d’elle. Cela aurait pu être un mensonge, mais il aurait certainement été employé pour ne pas la blesser plutôt que pour la flatter.

    L’avis de Maris tomba comme un couperet sur une nuque : cette bienveillance dénuée de caractère ne promettait rien qui vaille.

    Son visage se raffermit alors qu’il observait le Donjon Rouge. Le deuil le rongeait toujours ; la jeune femme le reconnaissait, tapis au fond de ses yeux, comme une bête silencieuse qui attendait la moindre opportunité pour lui déchirer la poitrine. “Est-ce à cela que je ressemble ?” s’épouvanta-t-elle. “À un animal blessé ?”

    Mais son inquiétude fut de courte durée. Le futur Roi, après une dernière tirade mystérieuse, décida de lui fausser compagnie.

    Laissée comme deux ronds de flan au milieu de la rue commerçante, entre le joyeux chaos des marchands et les passants qui se faufilaient comme des souris entre les étals, elle croisa le regard ahuri des soldats Baratheon. La grande tige se gratta l’arrière de la tête.

    “Il vient de partir ?” cita-t-il l’évidence, comme pour se confronter à une réalité absurde. “Tout seul ?”

    “Oh non, regardez-le danser la gigue juste à côté de moi !” s’agaça Maris en secouant la tête. “Évidemment qu’il vient de partir !”

    “Non mais, quel abruti !” se retint-elle d’ajouter. En plus d’une apathie plus prononcée que la normale, il fallait que l’héritier de la Reine Rouge soit doublé d’un ignoble rêveur ! Avait-on idée de déambuler sans escorte dans les rues de la capitale ? Devait-elle lui rappeler ce qui était arrivé à son frère ? À sa sœur ?! N’était-il pas parfaitement égoïste d’agir de la sorte ?!

    D’un mouvement rageur, Maris se dressa vainement sur la pointe des pieds pour tenter d’apercevoir le petit roi en escapade. “Ne pouvait-il pas avoir des cheveux argentés !” s’agaça-t-elle devant la mer de têtes brunes, rousses et blondes.
    S’avouant vaincue, elle joua des coudes pour se frayer un chemin.

    “Lady Maris !” s’exclama le plus petit. “Où allez-vous ?!”

    “À votre avis ?! Le rattraper pour le ramener !”

    Et il avait osé la laisser en plan ! Quel goujat ! Ruminant son exaspération, ses yeux fouillaient chaque visage, chaque bonnet, en espérant y voir les mèches châtains et le regard bleu de l’héritier. Elle ne pouvait décemment pas le laisser errer dans Port-Réal comme un chat de gouttière. S’il lui arrivait malheur et qu’on apprenait qu’elle n’avait rien fait pour l’empêcher… “Et dire que je voulais juste m’acheter une nouvelle épingle !” rouspéta-t-elle en écrasant un pied trop grand. “Me voilà à vouloir attraper un prince par la peau du cou !”

    “Vous connaissez la ville mieux que moi,” concéda-t-elle à ses gardes. “Où aurait-il pu vouloir se rendre ?”

    Les deux hommes balbutièrent.

    “C’est… Ah… En réalité… Ce n’est que notre deuxième fois ici… À Port-Réal…”

    Elle se retourna vivement.

    “Quoi ?!”

    Autour d’eux, les bâtiments avaient changé. Ils n’étaient plus dans la rue principale, mais dans une artère secondaire de la ville. Plus étroite, moins lumineuse désormais que le soleil se couchait, des linges ternes pendaient aux fenêtres. Il y avait toujours des échoppes, mais plus chiches. Les vitrines étaient noircies de suie et de crasse. “Où sommes-nous ?” Une panique diffuse engourdit sa poitrine. Les souvenirs s’enchaînaient dans son esprit : les livres qu’elle avait lus sur la capitale, la vue depuis la calèche lors de leur arrivée, sa promenade au lendemain du mariage d’Ellyn. Elle ne reconnaissait pas cette rue. “Tout ça à cause de ce maudit futur roi !”

    Comme un invité silencieux, le deuil revint alors qu’elle ne s’y attendait pas. Était-ce ce qu’Ellyn avait ressenti ? Les ruelles inconnues de Sombreval ? La panique avant la catastrophe ? Était-ce ce qui allait lui arriver aussi ?

    “Faisons demi-tour,” décida-t-elle. “Les soldats du Donjon-Rouge me seront plus utiles que vous.”

    La crainte la rendait méchante. Parfois, elle n’avait même pas besoin de cela pour être odieuse.



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    'Dé de 20' : 5
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    Memento Mori

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    Alors que je m'éloignais de la boutique, une étrange tranquillité m'enveloppait, contrastant avec le tumulte habituel de la rue commerçante. Chaque pas me permettait de laisser derrière moi l'atmosphère étouffante du Donjon Rouge, les faux-semblants des courtisans et le poids des regards fixés sur mes épaules. Pour une fois, je pouvais respirer, même si je savais que cette fugue était imprudente.

    Je me doutais que Maris Baratheon était furieuse derrière moi. Elle devait certainement organiser une petite chasse pour me retrouver, incapable de comprendre pourquoi j'avais besoin de cette évasion. Elle devait me prendre pour un rêveur sans consistance. Peut-être avait-elle raison, mais je ne pouvais pas retourner à cette vie en cage. Pas maintenant.

    Je poursuivais ma route à travers les rues plus étroites de la ville basse. Les bruits des marchés et des cris des marchands s'atténuaient peu à peu à mesure que je m'enfonçais dans des quartiers plus sombres et moins fréquentés. Les bâtiments semblaient se refermer autour de moi, étouffants, leurs façades noircies par la suie et le temps. Mais ici, je n'étais qu'un visage parmi tant d'autres, un inconnu qui se fondait dans la masse.

    Je passai devant un étal de livres poussiéreux. Un instant, je m'arrêtai, effleurant du bout des doigts la couverture usée d'un ouvrage ancien. Le contact du cuir me rappela les heures passées dans les bibliothèques du Donjon Rouge, loin des batailles et des intrigues. Mais ce moment de quiétude fut soudain brisé.

    Alors que je levais les yeux, un mouvement étrange dans la foule attira mon attention. Deux hommes s’étaient approchés de moi, leurs visages cachés sous des capuches usées, leurs yeux brillants d'une lueur dangereuse. L’un d’eux m’attrapa par l'épaule, d’un geste brutal et calculé.


    « Pas si vite, mon garçon, » murmura-t-il d'une voix rauque, son haleine chargée de vin aigre.

    Avant que je ne puisse réagir, le second homme fouillait déjà dans les poches de ma cape, ses doigts avides cherchant à me dérober ce que je possédais. Je tentai de me dégager, mais ils étaient plus rapides et habitués à ce genre de situation. Ils devaient penser que j’étais un jeune noble égaré, un proie facile, loin de mes gardes. Et ils n’avaient pas tort.

    Un coup sourd me fit tituber en arrière, l’un d’eux ayant glissé une main lourde sur ma poitrine pour me maintenir en place, ma tête cognant au passage contre le mur de la ruelle. La peur monta en moi, aussi froide que l'acier d'une lame. Je n’étais pas fait pour ce genre de confrontation. J’avais passé ma vie entouré de livres, non d'épées.


    « Qu’est-ce qu’on a là, hein ? » ricana l’un des voleurs en sortant une bourse de ma ceinture, la secouant devant son complice.

    Je savais que c’était une erreur de venir ici seul. Et maintenant, j’étais à leur merci, incapable de réagir. Je pouvais déjà entendre les rumeurs courir dans les rues de Port-Réal : « Le futur roi s’est fait voler comme un simple mendiant. » Une humiliation qui viendrait s’ajouter à tant d’autres.

    Mais alors que je tentais de me débattre, un cri retentit non loin de nous, stoppant net les gestes des voleurs. Ils hésitèrent un instant, le regard fuyant, puis lâchèrent prise brusquement.

    « Les gardes ! » siffla l’un d’eux avant de disparaître dans la foule comme une ombre.

    Je me retrouvai là sonné, seul et essoufflé, la bourse volée et les poches retournées. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, et la sensation de danger ne m’avait pas encore quitté. Je me redressai, tâchant de reprendre mon souffle, mes doigts tremblants encore sous l’effet de l’adrénaline.


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    Memento mori


    Les gardes, campés sur leurs positions, la regardaient avec un air hébété.

    “Ah, mais assurément, je reconnais parfaitement la rue principale ! Les mêmes boutiques, vraiment !” lança-t-elle avec une ironie mordante.

    Les petites échoppes s’alignaient, agglutinées les unes contre les autres, formant un amas chaotique de pots ébréchés, de légumes flétris et de broderies aux points maladroits, étalées dans une énième ruelle sombre et sinueuse. Les rares passants qui s’y aventuraient semblaient être le reflet des murs délabrés qui les entouraient — gris, décolorés, les façades se fendant sous le poids des ans. Un chien, d’ailleurs, achevait de marquer son territoire en urinant sur un pauvre diable endormi sur les pavés.

    Maris, le visage crispé par le dégoût, décocha un regard assassin aux deux hommes qui l’accompagnaient. “Les incapables !” songea-t-elle, exaspérée. “Pourquoi a-t-il fallu que je les emmène avec moi ? Pourquoi a-t-il fallu que je sorte du Donjon-Rouge ? Tout ça, c’est à cause de cette gourde de Floris !” Le souvenir de la broche d’Ellyn, désormais réduite à des perles éparpillées sur le plancher de sa chambre, enflamma davantage son courroux. “Et ce roi qui n’en fait qu’à sa tête !” murmura-t-elle entre ses dents. “Que croit-il, que je suis sa nourrice ? Ce qui est arrivé à son frère ne lui a pas suffit ?!”

    Soudain, des éclats de voix parvinrent à ses oreilles.

    À l’entrée d’une venelle étroite, dissimulés à moitié sous une tendue trouée, deux hommes en menaçaient un troisième.
    L’espace d’un instant, la jeune femme songea à détourner les yeux et hâter le pas, mais une remarque du plus petit de ses gardes la fit s’immobiliser.

    “Mais... ne serait-ce pas... le roi ?”

    Sous la capuche mal ajustée, elle distingua enfin le visage du jeune souverain, son apathie naturelle désormais remplacée par une perplexité si intense qu’il en était presque méconnaissable.

    “Qu’attendez-v…”

    Mais avant qu’elle n’ait pu achever son ordre, les deux gardes s’étaient déjà élancés au-devant des voleurs.
    À la simple vue des armoiries des Baratheon, et des lourdes lames pendues à leurs ceintures, les voyous n’eurent d’autre choix que de prendre la fuite, se faufilant dans les ombres de la ruelle.

    “Suivez-les !” tonna Maris, d’une voix qui résonna comme un coup de fouet.

    Cependant, alors qu’elle fixait la foule bigarrée qui emplissait l’allée étroite, une pensée, fugace mais glaçante, traversa son esprit. Sans la présence des soldats à ses côtés, la ruelle lui paraissait d’autant plus hostile, un dédale obscur où chaque regard était désormais une menace.
    Les deux hommes, quant à eux, se frayaient un chemin à coups de coudes, s’éloignant de plus en plus sans un regard pour elle.

    “Revenez !” hurla-t-elle, d’une voix semblable à celle de son père lorsqu’il rappelait ses chiens.

    Mais il était trop tard ; les silhouettes des gardes s’étaient déjà fondues dans la masse.

    Un vide immense s’empara alors d’elle, ce frisson d’angoisse qui précède les grands bouleversements. Désormais, elle était seule. Seule dans une ville dont elle ignorait presque tout.
    Son regard se porta sur le jeune roi, adossé contre le mur, les yeux mi-clos, le visage trahissant une demi-inconscience. “Pathétique…” se retint-elle de cracher.
    Elle se précipita vers lui, l’empoignant sans ménagement pour le remettre debout.

    “N’attirons pas plus l’attention,” souffla-t-elle tout en époussetant sa cape avec une fausse nonchalance. “Mais... Vous saignez ?”

    À l’arrière de son crâne, les cheveux châtains du Targaryen étaient imbibés d’un sang sombre, poisseux. “Parfait !” siffla-t-elle avec une ironie acide, comme pour contenir l’angoisse qui menaçait de la submerger.
    Elle abaissa la capuche sur le front du roi d’un geste sec.

    “Partons d’ici,” dit-elle d’une voix qui n’admettait pas de réplique. “Et, cette fois, ne vous avisez plus de me fausser compagnie. Nous devons vous faire soigner. Guidez-nous jusqu’au Donjon-Rouge.”

    Elle raffermit sa prise sur le bras du garçon, ses doigts se refermant comme la mâchoire d’un limier sur la nuque de sa proie.



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    Je peinais à retrouver mes esprits, chaque pas me semblait lourd, comme si le sol lui-même cherchait à m'aspirer. Le ton acide de Maris me transperçait, mais je n’avais ni l’énergie ni l’envie de répondre. Elle avait raison, et je le savais. Je m’étais aventuré là où je n’aurais jamais dû être, comme un enfant qui ignore la réalité brutale qui l’attend au tournant. Je n’avais jamais voulu fuir, pas vraiment. Peut-être que je cherchais simplement une échappatoire, une illusion de liberté dans un monde où tout m’échappait. Mais la réalité m’avait rattrapé, et maintenant, tout ce que je pouvais faire, c’était essayer de rester debout.

    Le sang collant à l’arrière de ma tête me rappelait la gravité de ma situation. Je levai une main pour toucher ma blessure, mais Maris, furieuse, me repoussa d’un geste sec avant de rabattre ma capuche sur mon front. Ses mots résonnaient en moi, durs, presque froids, mais empreints d’une inquiétude palpable. Elle ne me laisserait pas continuer ainsi, je le sentais dans la fermeté de sa prise sur mon bras. Sa poigne, si résolue, me faisait l’effet d’une ancre me retenant au réel, m'empêchant de sombrer davantage dans cette marée de confusion.

    Je me redressai, vacillant légèrement sous le poids de la douleur et du sang qui imbibait mes cheveux. Mes pensées étaient encore embrouillées, mais une chose devenait claire : je ne pouvais plus continuer ainsi. Fuir, se cacher sous une capuche pour essayer de disparaître, tout cela n’était plus possible. Il fallait que je rentre, que je fasse face, mais je n’étais pas sûr d’en avoir la force.

    Nous avançâmes dans les ruelles tortueuses, et malgré l’irritation de Maris, je sentais que nous étions liés par cette situation étrange, cette fuite manquée. Mes pensées étaient embrouillées, mais une question persistait : Pourquoi continuer à fuir ? Fuir cette couronne qui me terrifiait, fuir les responsabilités écrasantes, fuir la douleur d'avoir perdu ceux que j’aimais. Et maintenant, cette blessure qui me rappelait que l’on ne peut échapper à son destin.

    Nous avançâmes dans les ruelles tortueuses, et malgré l’irritation de Maris, je sentais que nous étions liés par cette situation étrange, cette fuite manquée. Mes pensées étaient embrouillées, mais une question persistait : Pourquoi continuer à fuir ? Fuir cette couronne qui me terrifiait, fuir les responsabilités écrasantes, fuir la douleur d'avoir perdu ceux que j’aimais. Et maintenant, cette blessure qui me rappelait que l’on ne peut échapper à son destin.

    Le Donjon Rouge se profilait à l’horizon, ses grandes portes imposantes se dressant comme une barrière infranchissable. Il me paraissait si éloigné, si froid, si vide. Et pourtant, c’était là que je devais retourner. C’était là que mon destin m’attendait. Les souvenirs de ma famille, de tout ce que j’avais perdu, me submergeaient à nouveau. Mon frère, Ellyn, mon neveu… Tout me revenait, encore et encore, comme des ombres qui refusaient de me quitter.

    Les pas de Maris claquaient contre les pavés derrière moi. Je pouvais presque sentir sa colère bouillir sous la surface, mais je savais que ce n’était pas uniquement contre moi. La mort de ma famille l’avait aussi touchée, plus profondément que ce qu’elle laissait paraître. Peut-être que nous étions tous deux des survivants, accablés par la même douleur, contraints de porter un fardeau qui nous dépassait. Peut-être que, comme moi, elle se sentait piégée. Peut-être qu’elle aussi n’avait jamais voulu de ce poids sur ses épaules.


    Mes pensées tourbillonnaient, et je finis par briser le silence, presque sans m’en rendre compte. La voix qui sortit de ma bouche me sembla étrangère, lointaine, comme si elle ne m’appartenait pas vraiment. « Je ne voulais pas te causer autant de soucis...» murmurais-je d’une voix à peine audible, le regard rivé sur le sol devant moi. « Je… je ne sais plus quoi faire, Maris. Je n’ai jamais voulu tout ça. Cette couronne… tout ce pouvoir... C’est comme si je suffoquais. »

    Alors que nous avancions, je me rendis compte que je devais cesser de fuir. Maris, malgré sa fureur et ses regards tranchants, n’était pas là pour me surveiller, mais pour m’aider. Nous partagions la même peine, la même douleur. Peut-être que je n’étais pas aussi seul que je le pensais.

    Nous approchions des grandes portes du Donjon. Je respirai profondément, cherchant une force nouvelle, une résolution que je n’avais pas encore trouvée et murmurai presque pour moi-même : « Je dois arrêter de fuir. ». Je n’avais pas toutes les réponses, loin de là. Mais je savais qu’une chose était claire : je ne pouvais pas continuer à fuir éternellement.


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